Dans une tendance inquiétante qui souligne la crise des opioïdes qui s’aggrave dans le Canada atlantique, le Nouveau-Brunswick a enregistré une hausse sans précédent des décès par surdose liés au fentanyl, atteignant les niveaux les plus élevés de l’histoire de la province. Cette évolution alarmante survient alors que les autorités sanitaires et les travailleurs communautaires s’efforcent de mettre en œuvre des stratégies de réduction des méfaits plus efficaces.
Selon les données récemment publiées par le Bureau du coroner en chef du Nouveau-Brunswick, le fentanyl était impliqué dans 76 % de tous les décès liés aux opioïdes au cours du premier trimestre de 2023 — une augmentation stupéfiante par rapport aux 30 % de 2019. Cet opioïde synthétique, qui peut être jusqu’à 100 fois plus puissant que la morphine, est rapidement devenu le principal facteur de décès par surdose dans une province qui connaissait autrefois des taux relativement faibles de consommation d’opioïdes synthétiques.
« Ce que nous observons n’est pas simplement une anomalie statistique, mais plutôt un changement fondamental dans la chaîne d’approvisionnement de drogues dans les Maritimes », explique Dre Jennifer Morris, spécialiste en médecine de la dépendance à l’Hôpital régional de Saint-Jean. « Le fentanyl a infiltré presque tous les recoins du marché des drogues illicites, souvent à l’insu des consommateurs ou sans leur consentement. »
La répartition géographique de ces décès révèle une expansion troublante au-delà des centres urbains. Bien que Moncton, Saint-Jean et Fredericton continuent d’enregistrer les plus fortes concentrations de surdoses, les petites communautés le long de la côte nord et les zones rurales de l’intérieur connaissent des taux sans précédent d’incidents liés au fentanyl.
Le gouvernement provincial a réagi en élargissant les programmes de distribution de naloxone, avec plus de 2 300 trousses distribuées par l’intermédiaire des pharmacies et des organismes communautaires au cours des six derniers mois. Cependant, les critiques soutiennent que ces mesures, bien que nécessaires, ne s’attaquent pas aux déterminants sociaux sous-jacents qui entraînent les taux de dépendance dans les régions économiquement défavorisées de la province.
« L’accès au traitement demeure lamentablement inadéquat », affirme Michel Thériault, directeur du Réseau de réduction des méfaits de Fredericton. « Le temps d’attente moyen pour les services de toxicomanie financés par l’État dépasse trois mois dans de nombreuses régions du Nouveau-Brunswick. Pendant cette période critique, nous perdons des personnes qui avaient activement cherché de l’aide. »
La complexité de la crise est aggravée par l’émergence de nouveaux opioïdes synthétiques et de combinaisons dangereuses. Les rapports toxicologiques indiquent qu’environ 42 % des surdoses mortelles impliquaient du fentanyl mélangé à des benzodiazépines ou d’autres sédatifs — des combinaisons qui réduisent considérablement l’efficacité des interventions à la naloxone.
Le profil démographique des victimes a également évolué, l’âge médian étant passé à 32 ans en 2023, contre 41 ans en 2018. Plus préoccupant encore est l’incidence croissante chez les consommateurs occasionnels ou novices, ce qui suggère que la contamination au fentanyl s’est étendue au-delà de la communauté des usagers réguliers d’opioïdes.
Les autorités sanitaires provinciales ont annoncé des plans pour établir une équipe d’intervention rapide dédiée au suivi des grappes de surdoses et au déploiement de ressources vers les nouveaux points chauds. De plus, un programme pilote pour les services de vérification des drogues — permettant aux utilisateurs de vérifier le contenu des substances avant la consommation — devrait être lancé à Moncton cet automne.
Alors que le Nouveau-Brunswick est aux prises avec cette urgence de santé publique sans précédent, des questions plus larges se posent quant à l’efficacité des politiques actuelles en matière de drogues. La Nouvelle-Écosse voisine a déjà mis en œuvre plusieurs approches innovantes, notamment l’expansion des sites de consommation supervisée et une accessibilité accrue aux thérapies agonistes aux opioïdes comme la suboxone et la méthadone.
« Les preuves sont claires que la criminalisation à elle seule n’a pas réussi à endiguer cette crise », note Dre Morris. « Nous avons besoin d’une approche globale qui équilibre l’application de la loi avec une réduction des méfaits significative et des options de traitement accessibles. »
Alors que les communautés du Nouveau-Brunswick continuent d’enterrer leurs morts à un rythme alarmant, la question demeure : les décideurs politiques adopteront-ils l’ensemble des interventions fondées sur des preuves nécessaires pour inverser cette tendance dévastatrice, ou les barrières idéologiques continueront-elles d’entraver la mise en œuvre de solutions éprouvées?
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