Dans une annonce très attendue jeudi, l’organisme de réglementation bancaire du Canada a maintenu son coussin de stabilité intérieure à 3,5 pour cent, signalant une prudence continue malgré une légère amélioration des conditions financières.
Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a maintenu le niveau du capital tampon que les six plus grandes banques du Canada doivent conserver—une décision qui survient alors que les ménages continuent de composer avec des taux d’intérêt élevés et un endettement important.
“Le paysage économique demeure précaire,” a déclaré le surintendant du BSIF, Peter Routledge, lors de l’annonce. “Bien que nous ayons constaté des améliorations modestes de certains indicateurs économiques, les préoccupations persistantes concernant l’inflation et les vulnérabilités liées à l’endettement des ménages exigent le maintien de solides réserves de capital dans notre système bancaire.”
C’est la quatrième révision consécutive où le BSIF maintient le coussin inchangé depuis son augmentation à 3,5 pour cent en décembre 2023. Cette décision oblige BMO, CIBC, Banque Nationale, RBC, Scotiabank et TD à continuer de détenir un capital supplémentaire équivalent à 3,5 pour cent de leurs actifs pondérés en fonction des risques.
Les marchés financiers étaient divisés quant à savoir si le BSIF pourrait réduire le coussin suite à l’amélioration graduelle de l’économie canadienne. Cependant, l’organisme de réglementation a cité des “vulnérabilités élevées et persistantes” dans le système financier qui l’emportaient sur les développements positifs.
Les tensions sur le marché immobilier demeurent une préoccupation principale, les renouvellements hypothécaires continuant d’exercer une pression sur les finances des ménages. Les données montrent qu’environ 39 pour cent des prêts hypothécaires à taux fixe feront face à un renouvellement dans les 18 prochains mois, de nombreux propriétaires se préparant à des paiements nettement plus élevés.
“Nous observons une légère diminution des nouvelles demandes d’insolvabilité, mais les indicateurs de stress financier restent globalement au-dessus des moyennes historiques,” a expliqué l’économiste Maya Henderson de l’Institut canadien de recherche financière. “Le BSIF dit essentiellement que ce n’est pas le moment de réduire les marges de sécurité.”
Le coussin de stabilité intérieure, introduit en 2018, sert d’outil contracyclique conçu pour être constitué pendant les périodes stables et utilisé en période de stress. Contrairement à d’autres exigences de capital, les banques peuvent temporairement puiser dans ce coussin lors de difficultés financières sans pénalités réglementaires.
Cette décision s’aligne sur l’approche prudente de la Banque du Canada en matière de politique monétaire, qui a maintenu les taux d’intérêt inchangés lors de trois réunions consécutives, alors que l’inflation se modère graduellement. Les analystes du marché notent que ce conservatisme coordonné suggère que les régulateurs demeurent préoccupés par d’éventuels chocs économiques.
“Ce qui est notable ici, c’est que le BSIF ne voit pas encore assez d’amélioration pour commencer à réduire le coussin,” a déclaré Jonathan Chen, analyste bancaire chez West Coast Capital Markets. “Cela suggère qu’ils anticipent des tensions continues dans le système au moins jusqu’à la fin de 2025.”
Fait intéressant, les principales banques canadiennes maintiennent des niveaux de capital bien au-dessus des minimums réglementaires, avec des ratios de fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires avoisinant près de 13 pour cent en moyenne pour les six grandes banques dans leurs derniers rapports trimestriels. Cet excédent de capital a permis des augmentations continues de dividendes malgré les exigences élevées en matière de coussin.
Les représentants du secteur bancaire ont exprimé leur compréhension de la décision du BSIF tout en soulignant la solidité du secteur. “Les banques canadiennes demeurent parmi les mieux capitalisées au monde,” a déclaré Elaine Wong, porte-parole de l’Association des banquiers canadiens. “Cette approche conservatrice a bien servi notre système financier à travers de multiples cycles économiques.”
Le BSIF révise le coussin de stabilité intérieure semestriellement, la prochaine décision étant prévue pour décembre. Les observateurs du marché surveilleront attentivement tout changement de langage qui pourrait signaler une réduction future.
Alors que les ménages et les institutions financières naviguent dans cette période prolongée de taux d’intérêt élevés, la décision concernant le coussin de stabilité souligne une réalité fondamentale : les organismes de réglementation financière du Canada ne prennent aucun risque avec la résilience de notre système bancaire, même s’ils reconnaissent une amélioration économique graduelle.