L’éclat de l’or a jeté un voile trompeur sur la situation commerciale de plus en plus préoccupante du Canada. Derrière la hausse record du métal précieux se cache une réalité sobre: le déficit commercial du Canada a atteint des niveaux alarmants au début de 2024, révélant des faiblesses fondamentales dans l’économie d’exportation du pays.
En mars, le Canada a enregistré un déficit commercial stupéfiant de 5,4 milliards de dollars, après le déficit tout aussi inquiétant de 4,9 milliards de dollars en février. Ces déficits consécutifs représentent la pire performance commerciale depuis les jours les plus sombres de la pandémie, lorsque l’activité économique était pratiquement à l’arrêt.
“Ce que nous observons n’est pas une anomalie temporaire mais potentiellement un changement structurel dans la dynamique commerciale du Canada,” affirme Michael Harrison, économiste en chef chez RBC Marchés des Capitaux. “Quand on met de côté la performance exceptionnelle de l’or, les fondamentaux commerciaux sous-jacents semblent de plus en plus précaires.”
Le prix de l’or a dépassé les 2 300 dollars l’once, porté par les tensions géopolitiques et les préoccupations liées à l’inflation. Cette hausse a artificiellement gonflé les chiffres d’exportation du Canada tout en masquant les déficiences dans d’autres secteurs. Sans l’or dans l’équation, le déficit commercial de mars au Canada aurait approché les 7 milliards de dollars – un chiffre qui devrait sonner l’alarme à Ottawa.
Le secteur manufacturier continue de lutter contre de forts vents contraires. Les exportations non énergétiques ont chuté de 3,1% en mars, avec une dégringolade de 11,2% des exportations automobiles en raison des perturbations persistantes de la chaîne d’approvisionnement et de l’affaiblissement de la demande américaine. Les exportations de biens de consommation ont diminué de 4,7%, tandis que les machines et équipements ont baissé de 2,3%.
Même les exportations d’énergie, traditionnellement le pilier du Canada, ont faibli. Malgré la relative stabilité des prix du pétrole, les exportations d’énergie ont diminué de 1,8% en volume, suggérant des contraintes de capacité et des goulots d’étranglement persistants dans le transport.
Pendant ce temps, les importations ont bondi de 2,7% pour atteindre un record de 65,7 milliards de dollars en mars, tirées par les biens de consommation, l’équipement électronique et les produits pharmaceutiques. Cet écart croissant entre ce que le Canada vend au monde et ce qu’il achète représente un transfert substantiel de richesse vers l’étranger.
“Nous observons une économie à deux vitesses dans le secteur commercial du Canada,” explique Sophia Chen, analyste principale du commerce à la BMO. “L’or et les métaux précieux sont en plein essor, tandis que les secteurs manufacturiers traditionnels et les ressources font face à des pressions concurrentielles croissantes tant du protectionnisme américain que des producteurs des marchés émergents.”
La détérioration de la balance commerciale a des implications significatives pour les perspectives économiques du Canada. Les déficits commerciaux peuvent affaiblir le dollar canadien, potentiellement augmentant l’inflation par la hausse des prix à l’importation. Ils signalent également des opportunités perdues pour la création d’emplois locaux et la croissance économique.
La Banque du Canada fait face à un délicat équilibre. Alors que les réductions de taux pourraient stimuler la compétitivité des exportations via un dollar plus faible, elles pourraient simultanément alimenter l’inflation par des importations plus coûteuses.
Pour les décideurs politiques, le message est clair: des réformes structurelles fondamentales sont nécessaires pour améliorer la compétitivité des exportations canadiennes. Cela comprend la résolution des goulots d’étranglement des infrastructures de transport, la réduction des charges réglementaires et l’incitation à l’investissement des entreprises dans des technologies améliorant la productivité.
“Le Canada ne peut pas compter éternellement sur l’éclat de l’or,” avertit Harrison. “Sans changements politiques significatifs pour stimuler la productivité et la compétitivité des exportations, nous risquons de voir ces déficits commerciaux devenir la nouvelle norme.”
Alors que l’incertitude économique mondiale persiste et que les modèles commerciaux évoluent, le Canada doit faire face à ses vulnérabilités commerciales. La flambée de l’or peut temporairement masquer ces défis, mais elle ne peut pas les résoudre. La voie à suivre exige des actions politiques audacieuses pour garantir que la performance commerciale du Canada retrouve son lustre au-delà du marché des métaux précieux.
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