Le déficit commercial du Canada a gonflé jusqu’à un record de 7,1 milliards de dollars en mars, selon le rapport publié hier par Statistique Canada, alors que les tensions commerciales persistantes et les menaces de tarifs douaniers des États-Unis assombrissent les perspectives économiques nationales. Ce chiffre représente une augmentation de 36% par rapport aux 5,2 milliards de dollars déjà préoccupants de février, marquant ainsi le plus important déficit mensuel de l’histoire canadienne.
Le moment ne pourrait être pire pour les exportateurs canadiens qui observent avec inquiétude la rhétorique provenant du sud de la frontière. L’ancien président américain Donald Trump a maintes fois promis d’imposer des tarifs généralisés d’au moins 10% sur toutes les importations, y compris celles en provenance du Canada, s’il revient au pouvoir après les élections de novembre.
“Nous assistons à un parfait concours de circonstances qui frappe le commerce canadien,” explique Dr. Emily Zhang, économiste principale à l’Université de la Colombie-Britannique. “La valeur des exportations énergétiques a considérablement chuté, les exportations manufacturières restent léthargiques, et maintenant nous avons cette menace imminente de politiques protectionnistes de notre principal partenaire commercial.”
Les exportations de pétrole et de gaz, traditionnellement le secteur commercial le plus fort du Canada, ont chuté de 8,3% en mars, en raison de prix plus bas et de volumes réduits. Pendant ce temps, les importations de biens de consommation ont bondi de 5,2%, reflétant une demande intérieure qui reste forte malgré les vents contraires économiques.
La ministre des Finances Chrystia Freeland a reconnu ces chiffres préoccupants lors d’une conférence de presse à Ottawa, mais a souligné l’engagement du gouvernement envers la diversification. “Bien que les États-Unis demeurent notre partenaire commercial le plus important, nous continuons de renforcer nos relations commerciales à travers l’Europe et l’Indo-Pacifique pour réduire notre vulnérabilité à tout marché unique,” a déclaré Freeland.
Les données révèlent une tendance inquiétante qui se développe depuis le début de 2024. De janvier à mars, on a observé des déficits mensuels consécutifs dépassant les 5 milliards de dollars, un contraste frappant avec les modestes excédents dont le Canada a bénéficié pendant une bonne partie de 2022.
Les leaders industriels de divers secteurs manufacturiers ont exprimé une anxiété croissante concernant les tarifs potentiels. “Un tarif de 10% dévasterait les chaînes d’approvisionnement intégrées qui se sont développées sur des décennies,” avertit Carlos Menendez, PDG de l’Association canadienne des fabricants de pièces automobiles. “Nous ne parlons pas seulement de produits finis – les composants traversent la frontière plusieurs fois durant la production.”
La Banque du Canada fait face à un délicat équilibre alors qu’elle soupèse ces pressions commerciales contre une inflation encore persistante. À l’approche de sa prochaine décision sur les taux d’intérêt en juin, des analystes ont suggéré que la banque centrale pourrait devoir accélérer les réductions de taux pour prévenir une contraction économique plus importante.
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est l’étendue du déficit à travers les secteurs. Au-delà de l’énergie, le Canada a enregistré des déficits dans les produits agricoles (-743 millions $), les biens de consommation (-1,2 milliard $), et les produits automobiles (-892 millions $) – des catégories d’exportation traditionnellement fortes pour l’économie canadienne.
“Ce que nous observons n’est pas simplement un accident temporaire mais potentiellement un changement structurel dans la position commerciale du Canada,” explique Aisha Williams, experte en politique commerciale. “La combinaison d’une forte consommation intérieure, d’une faible croissance de la productivité et d’une concurrence mondiale croissante érode la compétitivité des exportations canadiennes.”
Plusieurs grands fabricants canadiens ont déjà commencé à planifier des mesures d’urgence pour faire face aux scénarios tarifaires potentiels, notamment en explorant des déplacements de production et une restructuration de la chaîne d’approvisionnement.
Pour les Canadiens ordinaires, les implications vont au-delà des statistiques économiques. Des déficits commerciaux continus contribuent généralement à l’affaiblissement de la devise, ce qui augmente les prix des importations et peut alimenter l’inflation sur les biens de consommation allant de l’alimentation à l’électronique.
La question qui se pose maintenant aux décideurs politiques, aux entreprises et aux travailleurs est la suivante : ce déficit record est-il une anomalie ou le début d’une nouvelle normalité inquiétante pour le commerce canadien?