L’emblématique Sentier de la Côte-Ouest, joyau des aventures de plein air en Colombie-Britannique, se trouve à un tournant critique suite à des dommages sans précédent causés par des tempêtes qui soulèvent de sérieuses questions sur son avenir immédiat. Ce qui était autrefois un parcours côtier de 75 kilomètres, certes exigeant mais praticable, s’est transformé en un labyrinthe de cèdres anciens tombés, de ponts suspendus emportés et de passerelles compromises qui menacent désormais tant l’accessibilité du sentier que son équilibre écologique soigneusement préservé.
“Nous faisons face à un effort de récupération sans précédent dans l’histoire moderne du sentier,” explique Diane Thompson, directrice de Parcs Canada. “La combinaison de tempêtes hivernales de plus en plus intenses et de grandes marées a modifié des sections du sentier qui étaient restées relativement stables pendant des décennies.”
La dévastation, que les responsables de Parcs Canada estiment nécessiter au moins 4,2 millions de dollars en réparations d’urgence, survient à un moment particulièrement malheureux alors que le secteur touristique de la Colombie-Britannique commençait enfin à se remettre des baisses liées à la pandémie. Le Sentier de la Côte-Ouest génère habituellement environ 15 millions de dollars par an pour les communautés côtières de l’île de Vancouver, les entreprises de Port Renfrew et de Bamfield étant particulièrement dépendantes du flux régulier de randonneurs qui parcourent ce chemin historique chaque saison.
Selon les données météorologiques d’Environnement Canada, l’hiver 2024-2025 a amené trois épisodes de “rivières atmosphériques” sur la côte ouest de l’île de Vancouver entre novembre et mars, avec des précipitations dépassant les moyennes historiques de 42%. Ces tempêtes, intensifiées par le réchauffement des températures de l’océan Pacifique, ont déclenché de nombreux glissements de terrain le long des sections les plus vulnérables du sentier.
Les communautés des Premières Nations locales sont particulièrement préoccupées par ces dommages. Le sentier traverse les territoires traditionnels des Premières Nations Huu-ay-aht, Ditidaht et Pacheedaht, qui cogèrent le parcours avec Parcs Canada.
“Il ne s’agit pas seulement de dollars touristiques,” affirme Charles Jones, membre du conseil de la Nation Pacheedaht. “Ces forêts et ces côtes abritent des sites culturels et des ressources essentielles à l’identité de notre peuple. Les dommages menacent à la fois nos intérêts économiques et nos efforts de préservation du patrimoine.”
Parcs Canada a déjà annoncé une ouverture retardée pour la saison de randonnée 2025, l’accès le plus précoce étant désormais prévu pour fin juin plutôt que la date traditionnelle du 1er mai. Même alors, les responsables préviennent que les randonneurs devront se préparer à des détours importants et à des conditions potentiellement plus difficiles que d’habitude.
Les scientifiques environnementaux qui surveillent la situation notent que, bien que les tempêtes aient toujours eu un impact sur le sentier, l’intensité et la fréquence des événements météorologiques semblent s’accélérer. La Dre Emma Chen, chercheuse en climatologie à l’Université de Victoria, étudie les modèles d’érosion côtière le long de la ceinture du Pacifique.
“Ce que nous observons correspond aux projections du changement climatique pour cette région,” explique Chen. “La combinaison de l’élévation du niveau de la mer et de systèmes de tempêtes hivernales plus puissants crée un effet composé sur les infrastructures côtières, qu’elles soient naturelles ou artificielles.”
L’effort de reconstruction se concentrera non seulement sur la réparation des sections endommagées, mais aussi sur le renforcement de la résilience face aux tempêtes futures. Les ingénieurs de Parcs Canada explorent des conceptions pour des ponts suspendus plus flexibles, des passerelles ancrées pouvant mieux résister aux inondations et des systèmes de drainage capables de gérer un volume d’eau accru.
Pour les milliers de randonneurs qui avaient obtenu les précieux permis pour des randonnées en début de saison, la nouvelle a été décevante mais généralement accueillie avec compréhension. Le système de permis du Sentier de la Côte-Ouest voit typiquement une demande dépassant largement la capacité quotidienne de 75 personnes, les réservations se remplissant souvent en quelques heures après leur ouverture.
“Bien sûr, je suis déçue,” confie Melissa Jagpal, résidente de Vancouver qui avait planifié sa première randonnée sur le Sentier de la Côte-Ouest pour mai. “Mais après avoir vu les photos des dégâts, je comprends parfaitement la fermeture. On ne peut pas précipiter la restauration de quelque chose d’aussi précieux.”
Les opérateurs touristiques locaux s’adaptent en promouvant des expériences de randonnée alternatives comme le Sentier Marin Juan de Fuca et des sections du Sentier de la Sunshine Coast, bien que ceux-ci n’aient pas l’attrait de nature sauvage éloignée et la signification historique qui font du Sentier de la Côte-Ouest une destination internationale.
Alors que la Colombie-Britannique est aux prises avec un nouveau défi lié au climat pour ses infrastructures naturelles, une question émerge : comment des expériences emblématiques en pleine nature comme le Sentier de la Côte-Ouest s’adapteront-elles à un avenir où de tels événements météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus courants plutôt qu’exceptionnels?