Une tendance préoccupante émerge dans le système de santé ontarien alors que de nouvelles données révèlent que les chirurgies oncologiques effectuées dans les délais recommandés demeurent nettement en deçà des objectifs provinciaux, compromettant potentiellement le pronostic des patients et ajoutant une pression supplémentaire sur une infrastructure médicale déjà surchargée.
Selon le dernier rapport trimestriel de Santé Ontario, seulement 67 pour cent des chirurgies oncologiques ont été réalisées dans les délais prioritaires désignés entre octobre et décembre 2023. Ce chiffre est bien inférieur à l’objectif provincial de 90 pour cent, mettant en évidence un écart persistant dans la prestation de soins oncologiques en temps opportun qui montre peu d’amélioration depuis le début de la pandémie.
“L’arriéré créé pendant la COVID continue de poser des défis profonds à notre système de santé,” a déclaré Dre Elizabeth Chen, chef du département d’oncologie au Réseau universitaire de santé. “Quand nous retardons les chirurgies oncologiques, nous modifions potentiellement la trajectoire de la maladie et les résultats pour des patients qui ne peuvent tout simplement pas se permettre d’attendre.”
Le rapport indique des disparités régionales importantes, les hôpitaux du nord de l’Ontario faisant face à des défis particulièrement aigus. À Horizon Santé-Nord à Sudbury, seulement 58 pour cent des chirurgies oncologiques ont respecté leurs délais cibles—un chiffre qui a soulevé des inquiétudes parmi les défenseurs des soins de santé à travers la province.
Les responsables de Santé Ontario attribuent ces retards à plusieurs facteurs, notamment les pénuries de personnel, les contraintes de capacité des salles d’opération et les effets complexes des perturbations de services liées à la pandémie. L’organisme note que le système de santé continue de gérer à la fois la demande chirurgicale actuelle et l’arriéré accumulé des années précédentes.
“Nous constatons les conséquences d’un système qui fonctionnait déjà presque à pleine capacité avant la pandémie,” a expliqué Michel Davignon, analyste des politiques de santé à l’Institut canadien d’information sur la santé. “Les délais actuels ne représentent pas seulement des statistiques, mais des personnes réelles confrontées à des périodes prolongées d’incertitude pendant des parcours de santé déjà difficiles.”
Le gouvernement provincial a annoncé un investissement de 30 millions de dollars visant spécifiquement à réduire les temps d’attente pour les chirurgies oncologiques pour l’exercice financier 2024. Ce financement soutiendra l’élargissement des heures de salle d’opération, du personnel chirurgical supplémentaire et une meilleure coordination entre les centres de soins oncologiques à travers l’Ontario.
Pour des patients comme Jennifer Kapoor, résidente de Mississauga âgée de 54 ans, qui a attendu 11 semaines pour sa chirurgie du cancer du sein, les statistiques reflètent une réalité profondément personnelle. “Chaque jour d’attente semble une éternité,” a confié Kapoor. “On ne peut s’empêcher de se demander si le délai permet à son cancer de progresser.”
Les directives d’Action Cancer Ontario recommandent une chirurgie dans les 14 jours pour les cas les plus urgents, 28 jours pour les cas hautement prioritaires et 84 jours pour les cas de priorité standard. Cependant, l’arriéré actuel signifie que même ces délais prolongés ne sont souvent pas respectés.
L’Association médicale de l’Ontario et la Société canadienne du cancer ont conjointement appelé à des mesures plus agressives pour résoudre ces retards, notamment le recrutement de diplômés en médecine internationaux, la création de centres dédiés à la chirurgie oncologique et la mise en œuvre d’options de soins virtuels plus robustes pour les consultations pré et post-chirurgicales.
Alors que la population ontarienne continue de vieillir et que les taux de diagnostic de cancer augmentent, la pression sur le système devrait s’intensifier. La question qui se pose maintenant aux dirigeants des soins de santé et aux décideurs politiques est de savoir si des améliorations progressives seront suffisantes, ou si une restructuration plus fondamentale de la prestation des soins oncologiques est nécessaire pour garantir que les patients reçoivent un traitement en temps opportun pendant leurs moments les plus vulnérables.