Dans une époque de budgets de santé limités et de pression croissante sur les services médicaux, la décision de Santé Île-du-Prince-Édouard de débourser des millions en entrepreneurs privés a déclenché un débat intense à travers la province. Des divulgations financières récentes révèlent que l’autorité sanitaire a dépensé l’impressionnante somme de 8,1 millions de dollars pour seulement quatre postes de direction intérimaires sur une période de cinq ans—un chiffre qui pousse tant les politiciens de l’opposition que les défenseurs des soins de santé à remettre en question l’allocation des précieuses ressources financières.
Les quatre rôles de leadership temporaires, pourvus entre 2019 et 2024, s’accompagnaient de coûts qui éclipsent les salaires typiques des dirigeants permanents. Alors que les cadres permanents de Santé Î.-P.-É. gagnent entre 142 000 $ et 187 000 $ annuellement, certains entrepreneurs ont reçu des enveloppes de rémunération allant jusqu’à 2,1 millions de dollars pour des périodes de service comparables.
“Il ne s’agit pas simplement de chiffres sur un tableau—c’est une question de responsabilité pour chaque dollar consacré à la santé alors que les Insulaires attendent des mois, voire des années pour des services essentiels,” a déclaré Michele Beaton, porte-parole du Parti vert en matière de santé, lors d’une récente session législative. Beaton s’est montrée particulièrement vocale en demandant au ministre de la Santé Mark McLane de justifier ces dépenses dans le contexte des pénuries de personnel persistantes dans le système de santé.
Les détails financiers, obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information, brossent un tableau préoccupant. Un poste de PDG intérimaire a coûté aux contribuables 2,1 millions de dollars sur 30 mois—plus du double de ce qu’aurait commandé une embauche permanente. Un poste de directeur des opérations intérimaire a coûté 2,4 millions de dollars sur 39 mois, tandis qu’un rôle de directeur des soins infirmiers intérimaire a coûté 1,3 million de dollars pour 36 mois de service.
Le ministre de la Santé McLane a défendu ces dépenses, soutenant que ces entrepreneurs ont comblé des lacunes critiques en leadership durant des périodes difficiles. “Nous faisions face à des circonstances sans précédent avec la pandémie et d’importants défis de recrutement,” a expliqué McLane pendant la période des questions. “Ces postes ne pouvaient pas rester vacants pendant que nous cherchions des candidats permanents.”
Pourtant, des questions persistent concernant le processus d’approvisionnement qui a mené à ces contrats. Les membres de l’opposition ont insisté pour obtenir des détails sur le respect des processus d’appel d’offres concurrentiels et sur les critères utilisés pour évaluer la performance de ces dirigeants intérimaires très coûteux.
La Dre Rachel Thompson, experte en politique de santé de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, note que si les solutions exécutives temporaires deviennent parfois nécessaires, la durée prolongée soulève des signaux d’alarme. “Quand des postes ‘intérimaires’ s’étendent sur des années plutôt que des mois, cela suggère des problèmes systémiques de recrutement et de rétention qui doivent être abordés à un niveau plus fondamental,” a confié Thompson à CO24 News.
La controverse survient à un moment particulièrement délicat pour les soins de santé au Canada, alors que les provinces luttent avec la reprise post-pandémique, les pénuries de personnel et l’allongement des temps d’attente. À l’Î.-P.-É., où de nombreux résidents n’ont pas accès à des fournisseurs de soins primaires, la perception de dépenser des millions en cadres temporaires a touché une corde sensible auprès du public.
Le président du conseil d’administration de Santé Î.-P.-É., Derek Key, reconnaît les préoccupations mais maintient ces décisions. “Nous nous engageons à trouver des solutions permanentes, mais entre-temps, le système a besoin de leadership. Les entrepreneurs que nous avons engagés ont apporté une expertise spécialisée pendant des transitions critiques,” a déclaré Key dans une réponse écrite aux demandes des médias.
La province a récemment réussi à pourvoir certains de ces postes de façon permanente, y compris le rôle de PDG maintenant occupé par le Dr Michael Gardam. Cependant, l’impact financier des contrats intérimaires continuera de se répercuter sur le budget de Santé Î.-P.-É. pour les années à venir.
Alors que cette question se déploie à l’Assemblée législative provinciale, elle soulève de profondes interrogations sur les priorités en matière de soins de santé et la gestion fiscale. Dans une province où chaque dollar consacré aux soins de santé est scruté, ces arrangements coûteux avec des entrepreneurs ont-ils apporté une valeur proportionnelle à leurs coûts, ou représentent-ils un modèle préoccupant de gestion financière qui détourne les ressources des soins de première ligne?