Alors que le calme s’installe sur la Colline du Parlement pour la pause estivale, l’attention politique se déplace vers l’ouest, en Alberta, où le légendaire Stampede de Calgary s’apprête une fois de plus à devenir une arène cruciale pour le réseautage politique et la collecte de fonds. L’événement de cette année revêt une importance particulière alors que Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et potentiel candidat à la direction du Parti libéral, se prépare à organiser une levée de fonds de grande envergure dans le cadre du “plus grand spectacle en plein air du monde”.
Le Stampede, qui se déroulera du 5 au 14 juillet, a depuis longtemps dépassé ses origines de rodéo pour devenir un arrêt essentiel sur le circuit politique canadien. Les politiciens troquent leurs tenues formelles contre des vêtements western – avec les incontournables chapeaux et bottes de cowboy – dans une tradition annuelle qui combine discussions politiques, déjeuners aux crêpes et événements de rodéo.
“Le Stampede de Calgary représente une convergence unique entre célébration culturelle et stratégie politique,” explique Dr. Melissa Thornton, politologue à l’Université de Calgary. “Ce qui a commencé comme un festival du patrimoine western s’est transformé en une plateforme essentielle où les figures politiques peuvent établir des liens avec les Albertains dans un cadre plus détendu tout en faisant avancer leurs programmes.”
La prochaine levée de fonds de Carney, intitulée “Stampede Roundup“, a attiré une attention considérable dans les cercles politiques canadiens. L’ancien banquier central, qui n’a ni confirmé ni démenti ses ambitions politiques, sera accompagné de plusieurs ministres libéraux et d’importants chefs d’entreprise lors de cet événement qui se tiendra à l’emblématique Hôtel Palliser.
Le moment est particulièrement remarquable alors que le Parti libéral fait face à des défis croissants dans l’Ouest canadien, où le soutien a considérablement diminué depuis 2019. Les sondages récents de l’Institut canadien de recherche politique montrent que le soutien libéral en Alberta stagne à seulement 17 pour cent, tandis que le soutien conservateur reste solide à 62 pour cent.
“Pour Carney, cela représente plus qu’une simple collecte de fonds – c’est l’occasion de tester les eaux politiques dans un territoire traditionnellement conservateur,” note James Richardson, analyste politique principal chez CO24. “Son expérience en finance et en politique climatique pourrait potentiellement trouver un écho face aux préoccupations économiques évolutives de l’Alberta, alors que la province navigue dans les défis de la transition énergétique.”
Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, maintiendra également la forte présence du parti au Stampede, en organisant son traditionnel déjeuner et en rencontrant les dirigeants du secteur énergétique. Le NPD et d’autres partis ont également annoncé des activités liées au Stampede, soulignant l’importance politique de l’événement.
Au-delà des rassemblements médiatisés, le Stampede facilite également des rencontres cruciales en coulisses entre figures politiques et acteurs clés de la communauté d’affaires albertaine. La politique énergétique, les préoccupations agricoles et la diversification économique devraient dominer bon nombre de ces discussions.
“L’atmosphère informelle crée des opportunités pour des conversations franches qui n’auraient peut-être pas lieu dans des cadres plus officiels,” explique Patricia Schultz, PDG de la Chambre de commerce de Calgary. “Bien que l’attention se porte principalement sur les séances photos où les leaders retournent des crêpes, le véritable contenu émerge souvent lors de réunions privées tout au long des dix jours du festival.”
Pour les Albertains ordinaires, la dimension politique ajoute une couche supplémentaire à une célébration déjà multiforme. Si certains apprécient l’attention des leaders nationaux, d’autres expriment leur frustration face à ce qu’ils perçoivent comme un engagement superficiel.
“Ils se pointent une fois par an avec des Stetsons empruntés, font semblant de comprendre nos préoccupations, puis disparaissent jusqu’en juillet prochain,” remarque Frank Cunningham, éleveur calgarien de troisième génération. “Nous avons besoin d’une attention soutenue aux défis de l’Alberta, pas seulement de platitudes pendant la semaine du Stampede.”
Alors que les Canadiens d’un océan à l’autre observent ces manœuvres politiques se dérouler sur fond de compétitions de rodéo et d’attractions foraines, une question demeure particulièrement pertinente : dans un paysage politique de plus en plus défini par les divisions régionales, ces rassemblements à thème western peuvent-ils favoriser un dialogue significatif, ou ne font-ils que renforcer la nature performative de la politique canadienne contemporaine?