Dans une affirmation audacieuse des priorités nordiques, les leaders territoriaux pressent le gouvernement fédéral de transformer son approche de la souveraineté arctique par des investissements substantiels en infrastructures plutôt que par des gestes symboliques. Alors que l’intérêt mondial pour l’Arctique riche en ressources s’intensifie, la conversation est passée des cérémonies de plantation de drapeaux à la nécessité urgente de routes, ports et réseaux de communication qui cimenteraient la présence du Canada dans ses territoires septentrionaux.
“L’époque où la souveraineté se définissait par des exercices militaires occasionnels et des séances de photos politiques est révolue,” a déclaré la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane, lors de la réunion du conseil territorial d’hier à Yellowknife. “La véritable souveraineté arctique signifie des communautés avec des infrastructures fiables, des économies durables, et des résidents qui peuvent se permettre d’y vivre.”
La position unifiée des leaders territoriaux survient au milieu d’une concurrence internationale croissante pour les ressources arctiques et les routes maritimes. La Russie a considérablement élargi ses infrastructures nordiques, tandis que la Chine s’est déclarée “État quasi-arctique” malgré l’absence de revendications territoriales dans la région. Ces développements ont créé une nouvelle urgence pour la stratégie nordique du Canada.
Selon un rapport complet publié par le Conseil de l’Arctique, le Canada accuse un retard significatif par rapport aux autres nations circumpolaires en matière de développement d’infrastructures critiques. Le rapport souligne que la Russie a construit ou rénové 16 ports en eau profonde le long de sa côte nord, tandis que le Canada n’exploite qu’un seul port saisonnier à capacité limitée dans tout l’Arctique canadien.
Le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, a souligné que les affaires mondiales pivotent de plus en plus autour des ressources et de la souveraineté arctiques. “Quand d’autres nations voient de vastes territoires avec un développement minimal et une population clairsemée, elles remettent en question la légitimité de nos revendications,” a déclaré Pillai. “Des infrastructures permanentes et des communautés florissantes sont les déclarations de souveraineté les plus puissantes que nous puissions faire.”
Les leaders du Nord ont présenté à Ottawa une liste prioritaire de grands projets, notamment la route de la vallée du Mackenzie, un port arctique en eau profonde à Grays Bay, et l’expansion des infrastructures à large bande dans tous les territoires. Ces projets serviraient plusieurs objectifs, soutenant le développement des ressources, réduisant le coût de la vie pour les résidents du Nord, et établissant une présence canadienne permanente à travers l’Arctique.
Les analyses économiques suggèrent que ces investissements pourraient générer des rendements substantiels tout en renforçant la position géopolitique du Canada. Un rapport du Conference Board du Canada estime que chaque dollar investi dans l’infrastructure nordique pourrait générer jusqu’à 3,50 $ d’activité économique tout en créant des milliers d’emplois permanents.
“Il ne s’agit pas simplement de construire des routes ou des ports,” a expliqué le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok. “Il s’agit de créer les conditions où les habitants du Nord peuvent se permettre de rester dans leurs communautés et où les modes de vie traditionnels peuvent coexister avec les opportunités économiques modernes.”
Le gouvernement fédéral a reconnu la proposition mais ne s’est pas encore engagé à des niveaux de financement spécifiques. Des sources au sein du Bureau du Premier ministre ont indiqué que, bien qu’il y ait un soutien pour un développement accru du Nord, les contraintes fiscales pourraient limiter la portée et le calendrier de mise en œuvre.
Les leaders autochtones du Nord ont également donné leur avis, soulignant que tout développement majeur doit respecter les accords de revendications territoriales et impliquer les communautés autochtones dès les étapes de planification. “Le développement sans partenariat autochtone n’est pas du développement du tout—c’est de la colonisation avec un nouveau nom,” a déclaré Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami.
Alors que la glace arctique continue de reculer à un rythme sans précédent, ouvrant de nouvelles routes maritimes et opportunités de ressources, la question demeure: le Canada investira-t-il dans son Nord avant que d’autres nations n’établissent leur présence dans ce qui a traditionnellement été un territoire canadien? La réponse pourrait déterminer l’avenir de la souveraineté canadienne dans un paysage arctique en rapide évolution.