Un enregistrement récemment découvert a capturé le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, exprimant en privé des doutes importants quant à la capacité du gouvernement fédéral à appliquer son controversé programme de rachat d’armes. Cette admission franche soulève de sérieuses questions sur la faisabilité d’une politique qui a été au cœur de la plateforme de sécurité publique du gouvernement libéral.
Dans l’enregistrement audio obtenu exclusivement par des sources médiatiques, on peut entendre LeBlanc dire à un groupe d’intervenants qu’il s’interroge sur la capacité ou la volonté des services de police à travers le Canada d’imposer la remise obligatoire des armes à feu classées comme “armes de style assaut”.
“La réalité sur le terrain est préoccupante”, déclare LeBlanc dans l’enregistrement. “De nombreux chefs de police ont indiqué qu’ils n’ont tout simplement pas les ressources pour aller de porte à porte collecter ces armes à feu, même si nous fournissions des fonds supplémentaires.”
Cette révélation survient à un moment particulièrement délicat pour les initiatives de contrôle des armes du gouvernement, qui ont fait face à des critiques croissantes de la part des communautés rurales, des tireurs sportifs et des partis d’opposition. Le programme de rachat, initialement annoncé suite à la fusillade massive en Nouvelle-Écosse en 2020, visait à retirer environ 1 500 modèles d’armes à feu de la possession civile.
Les organismes d’application de la loi à travers le Canada ont été de plus en plus vocaux concernant leurs préoccupations. Le gouvernement de l’Alberta a explicitement ordonné à sa force policière provinciale de ne pas participer au programme, tandis que plusieurs autres provinces ont exprimé des réserves similaires concernant l’allocation des ressources policières.
“Nous observons une résistance sans précédent de la part des gouvernements provinciaux qui considèrent cela comme un empiétement fédéral”, explique Dr. Helena Ramirez, professeure de politique publique à l’Université de Toronto. “Les défis de mise en œuvre étaient prévisibles mais peut-être sous-estimés dans la phase de développement de la politique.”
Le gouvernement a déjà dépensé plus de 8,5 millions de dollars pour développer le programme de rachat, selon des rapports financiers récents, le directeur parlementaire du budget estimant que les coûts totaux pourraient dépasser 750 millions de dollars. Les critiques soutiennent que ces fonds seraient mieux dirigés vers des mesures de sécurité frontalière pour empêcher l’entrée d’armes à feu illégales dans le pays.
Le chef conservateur Pierre Poilievre s’est emparé de l’enregistrement divulgué, le qualifiant de “preuve que les libéraux savaient depuis le début que leur saisie d’armes était un théâtre politique irréalisable.” Il s’est engagé à abandonner complètement le programme s’il est élu.
Le bureau du Premier ministre a publié une déclaration défendant l’approche du gouvernement, insistant sur le fait que “toutes les options restent sur la table pour mettre en œuvre cette mesure cruciale de sécurité publique”, tout en reconnaissant que “les consultations continues avec les partenaires d’application de la loi continuent de façonner notre stratégie de mise en œuvre.”
Les défenseurs du contrôle des armes restent favorables au concept de rachat mais expriment leur frustration face aux retards. “Chaque jour où ce programme n’est pas mis en œuvre signifie que plus de ces armes restent en circulation”, déclare Suzanne Martin de Canadiens pour des communautés plus sûres. “Si l’application est le problème, le gouvernement doit développer des solutions créatives, pas abandonner l’effort.”
Alors que cette controverse politique se déroule, les propriétaires d’armes concernés restent dans l’incertitude, ne sachant pas s’ils seront finalement obligés de rendre leurs armes à feu. L’amnistie les protégeant des accusations criminelles pour possession de ces armes a été prolongée à plusieurs reprises et court maintenant jusqu’en octobre 2025.
Avec les élections fédérales à l’horizon et la confiance du public dans le programme qui vacille, une question fondamentale émerge : une politique peut-elle réussir lorsque ceux chargés de la mettre en œuvre ont ouvertement exprimé des doutes quant à sa praticité ? La réponse du gouvernement dans les semaines à venir déterminera probablement si le programme de rachat reste une pierre angulaire du contrôle des armes au Canada ou devient un faux pas politique coûteux.