Alors que les Canadiens commémoraient le 39e anniversaire de l’attentat d’Air India le mois dernier, un écart troublant est apparu entre l’importance de cette tragédie et la sensibilisation du public. Un récent sondage révèle que près de 70 pour cent des Canadiens estiment que notre système éducatif ne parvient pas à enseigner adéquatement aux élèves ce qui demeure l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire canadienne.
L’attentat contre le vol 182 d’Air India le 23 juin 1985 a coûté la vie à 329 personnes, dont 280 citoyens canadiens. Pourtant, malgré son impact profond, la catastrophe s’est largement effacée de notre mémoire collective et de nos programmes scolaires.
“Il y a une génération de Canadiens qui n’ont aucune connaissance de ce moment charnière de notre histoire,” affirme Dr. Susheel Gupta, qui a perdu sa mère dans l’attentat alors qu’il n’avait que 12 ans. “Ce n’était pas simplement une tragédie indienne — c’était fondamentalement une tragédie canadienne.”
L’enquête, menée par Leger pour l’Institut Angus Reid, a révélé un soutien transpartisan pour une éducation renforcée sur l’attentat, plus de 75 pour cent des répondants de toutes affiliations politiques s’accordant à dire que les écoles devraient intégrer cette histoire dans les discussions en classe.
Particulièrement frappante est la disparité de connaissances entre les Canadiens plus âgés et les plus jeunes. Alors que 62 pour cent des personnes de plus de 55 ans ont déclaré connaître l’attaque, seulement 28 pour cent des Canadiens de moins de 35 ans reconnaissent son importance.
“L’attentat d’Air India représente l’un des échecs les plus importants en matière de sécurité et de renseignement dans l’histoire canadienne,” note l’experte en terrorisme Jessica Davis. “Comprendre ce qui s’est passé et pourquoi est crucial pour saisir les défis contemporains en matière de sécurité.”
Les familles des victimes militent depuis longtemps pour l’inclusion de cette histoire dans les programmes provinciaux. Leurs efforts semblent porter leurs fruits, plusieurs provinces envisageant maintenant l’intégration formelle de l’attentat d’Air India dans les programmes d’études sociales.
Cette demande d’éducation survient dans un contexte de préoccupations plus larges concernant l’approche du Canada pour se souvenir de ses histoires les plus difficiles. Les critiques soutiennent que l’absence relative de l’attentat d’Air India dans notre conscience nationale reflète des tendances plus profondes quant aux tragédies qui deviennent centrales dans les cycles de nouvelles canadiennes et la mémoire collective.
“Quand nous n’enseignons pas cette histoire, nous risquons de suggérer que certaines vies canadiennes comptent plus que d’autres,” observe Dr. Chandrima Chakraborty, qui étudie la mémoire culturelle de l’attentat d’Air India. “La grande majorité des victimes étaient des citoyens canadiens d’origine indienne, et ce fait influence la façon dont la tragédie a été rappelée — ou oubliée.”
Les ministres de l’Éducation des provinces ont indiqué leur ouverture à revoir les directives des programmes, bien que les calendriers de mise en œuvre restent flous. Pendant ce temps, les groupes de défense continuent de développer des ressources éducatives pour aider les enseignants à aborder cette histoire complexe en classe.
Alors que le Canada approche du 40e anniversaire de l’attentat l’année prochaine, une question fondamentale demeure : Accorderons-nous enfin à cette tragédie canadienne l’attention éducative qu’elle mérite, ou continuera-t-elle d’exister principalement dans la mémoire de ceux directement touchés? La réponse pourrait révéler beaucoup sur la façon dont nous construisons notre identité nationale et quelles histoires nous jugeons dignes d’être rappelées.