Dans une décision déterminante qui façonnera le paysage politique du territoire nordique pour les années à venir, le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, a annoncé jeudi que les Yukonnais se rendront aux urnes le 3 novembre pour une élection générale territoriale. L’annonce, faite devant l’Assemblée législative territoriale à Whitehorse, met fin à des mois de spéculation et prépare le terrain pour ce qui s’annonce comme une campagne acharnée dans le nord-ouest canadien.
“Aujourd’hui, j’ai rencontré la commissaire Adeline Webber et lui ai demandé de dissoudre l’Assemblée législative,” a déclaré Pillai aux journalistes rassemblés, son souffle visible dans l’air vif d’automne. “Les Yukonnais méritent un mandat clair de leur gouvernement alors que nous faisons face à des défis et des opportunités sans précédent.”
La décision du chef libéral intervient à un moment crucial pour ce territoire d’environ 44 000 résidents. Pillai, qui a pris ses fonctions en janvier 2023 suite à la démission de Sandy Silver, a gouverné avec un gouvernement minoritaire qui s’est appuyé sur une entente de confiance et de soutien avec le Nouveau Parti démocratique du Yukon. Cette entente, qui devait expirer en janvier 2026, prendra désormais fin avec le déclenchement des élections.
Les analystes politiques suggèrent que le moment choisi reflète des calculs stratégiques du gouvernement libéral. “Les libéraux voient probablement un avantage à se présenter devant les électeurs maintenant, avant que l’économie hivernale ne ralentisse potentiellement et alors qu’ils peuvent mettre en avant des finances territoriales relativement solides,” explique Dre Heather Thompson, politologue à l’Université du Yukon.
La campagne se déroulera dans un contexte de préoccupations territoriales pressantes. L’abordabilité du logement a atteint des niveaux critiques à Whitehorse, avec une augmentation des prix moyens des maisons de plus de 25 % au cours des deux dernières années. Parallèlement, l’accessibilité aux soins de santé dans les communautés éloignées demeure difficile, avec des pénuries de personnel qui affectent plusieurs centres de santé ruraux.
Le développement des ressources continue de diviser les Yukonnais, le territoire équilibrant les intérêts miniers avec les préoccupations environnementales et les droits des Premières Nations. Le Parti du Yukon, dirigé par Currie Dixon, a constamment critiqué les libéraux pour ce qu’il considère comme un soutien insuffisant à l’extraction responsable des ressources.
Kate White, chef du NPD du Yukon, a réagi à l’annonce des élections en soulignant les réalisations de son parti durant l’entente de confiance et de soutien. “Nous avons obtenu des résultats concrets pour les Yukonnais en poussant pour un meilleur accès aux soins de santé et plus d’options de logement abordable,” a déclaré White dans un communiqué. “Mais il reste encore beaucoup à faire.”
La campagne de 31 jours sera relativement brève selon les normes canadiennes, les trois principaux partis ayant déjà nommé des candidats dans la plupart des 19 circonscriptions du territoire. Les libéraux détiennent actuellement 8 sièges, le Parti du Yukon 8, et le NPD 3.
Les questions de gouvernance des Premières Nations figureront en bonne place dans la campagne. Le territoire fonctionne selon l’historique Accord-cadre définitif, avec 11 des 14 Premières Nations du Yukon ayant signé des accords d’autonomie gouvernementale qui leur accordent une autonomie significative. La mise en œuvre de ces accords et les relations de gouvernement à gouvernement influenceront sans doute les décisions des électeurs.
Au-delà des enjeux locaux, l’élection reflétera également les courants politiques canadiens plus larges. Les relations fédérales-territoriales, particulièrement concernant les initiatives sur le changement climatique et la souveraineté nordique, pourraient influencer les tendances de vote dans une région de plus en plus touchée par le réchauffement des températures et les intérêts internationaux dans l’Arctique.
Alors que les pancartes électorales commencent à apparaître dans les communautés, de Watson Lake à Dawson City, les Yukonnais font face à une question fondamentale concernant l’avenir de leur territoire : vont-ils approuver l’approche actuelle dirigée par les libéraux de changement progressif par la coopération interpartis, ou opter pour une nouvelle direction dans la navigation des défis complexes auxquels fait face cette frontière montagneuse du nord-ouest canadien?