Dans une révélation alarmante qui jette une ombre sur l’appareil de sécurité du Canada, les employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont exprimé une profonde insatisfaction quant à leur environnement de travail, selon la dernière enquête sur la fonction publique fédérale. Les résultats dressent un tableau préoccupant des organisations de sécurité de première ligne du Canada, où les agents chargés de protéger nos frontières et de recueillir des renseignements font face à des défis internes croissants.
L’Enquête auprès des fonctionnaires fédéraux de 2023, publiée en début de semaine, indique que seulement 43 pour cent des employés de l’ASFC recommanderaient leur organisation comme un “excellent milieu de travail” – un chiffre nettement inférieur à la moyenne fédérale de 62 pour cent. Plus inquiétant encore, seulement 47 pour cent des agents de renseignement du SCRS recommanderaient leur lieu de travail, soulignant des problèmes systémiques au sein de ces deux agences de sécurité essentielles.
“Ces résultats ne devraient surprendre personne qui a prêté attention au sous-effectif chronique et aux contraintes de ressources auxquelles font face nos services de sécurité,” a déclaré Dr. Veronica Marlowe, experte en administration publique à l’Université de Toronto. “Quand les travailleurs de première ligne qui protègent la sécurité nationale se sentent mal soutenus, nous devons y voir une vulnérabilité potentielle dans notre infrastructure de sécurité.”
L’enquête révèle des points problématiques spécifiques communs aux deux organisations. À l’ASFC, seulement 41 pour cent des répondants estimaient avoir des possibilités d’avancement professionnel, tandis que 40 pour cent seulement jugeaient que la haute direction communiquait efficacement les priorités organisationnelles. Le SCRS s’en sort à peine mieux, ses employés exprimant des préoccupations similaires concernant la transparence du leadership et les voies de développement de carrière.
Plus troublant encore sont les indicateurs concernant le harcèlement et la discrimination en milieu de travail. Environ 19 pour cent des employés de l’ASFC ont signalé avoir subi du harcèlement au cours de la dernière année, contre 11 pour cent dans l’ensemble de la fonction publique fédérale. Au SCRS, 15 pour cent du personnel a rapporté des expériences similaires, ce qui indique des problèmes culturels persistants malgré les engagements publics d’amélioration du milieu de travail.
Le moment de ces conclusions est particulièrement significatif alors que les deux agences font face à des demandes opérationnelles sans précédent. L’ASFC continue de gérer des défis complexes en matière d’immigration aux points d’entrée, tandis que le SCRS affronte des menaces évolutives allant de l’ingérence étrangère au terrorisme intérieur. Ces pressions accrues semblent exacerber les tensions en milieu de travail, selon l’analyse des données de l’enquête.
“Quand les professionnels de la sécurité sont débordés et se sentent sous-estimés, cela crée des conditions où l’efficacité institutionnelle peut se détériorer,” a noté Martin Chen, ancien analyste du renseignement au SCRS. “Le risque n’est pas seulement d’avoir des employés mécontents – c’est l’impact potentiel sur la posture de sécurité du Canada.”
En réponse à l’enquête, les deux organisations ont publié des déclarations reconnaissant les résultats et s’engageant à améliorer le milieu de travail. Elizabeth Fortier, porte-parole de l’ASFC, a indiqué que l’agence “élabore un plan d’action complet pour aborder les principaux domaines de préoccupation,” tandis que le SCRS a annoncé la formation d’un groupe de travail sur le bien-être des employés visant à s’attaquer à des problèmes spécifiques en milieu de travail.
Cependant, les représentants syndicaux demeurent sceptiques. Jean-Pierre Fortin, président du Syndicat des Douanes et de l’Immigration, a qualifié ces réponses de “langage bureaucratique prévisible qui ne reconnaît pas la gravité de la situation.” Il a souligné que “sans changements structurels significatifs et une allocation adéquate des ressources, nous discuterons des mêmes problèmes l’année prochaine.”
Les implications vont au-delà de la satisfaction au travail et touchent l’efficacité de la sécurité nationale. La recherche démontre constamment les liens entre l’engagement des employés et la performance organisationnelle, soulevant des questions sur l’impact potentiel de ces défis en milieu de travail sur les capacités opérationnelles des agences de sécurité du Canada.
Alors que les responsables gouvernementaux examinent ces résultats, une question fondamentale émerge : le Canada peut-il se permettre de maintenir ce statu quo au sein de son appareil de sécurité? Face à l’évolution des menaces mondiales et des défis de sécurité intérieure, le bien-être de ceux qui sont en première ligne de la sécurité canadienne mérite plus qu’une simple reconnaissance superficielle – il exige une action significative. Quel prix les Canadiens pourraient-ils ultimement payer si ces préoccupations en milieu de travail restent sans réponse?