À 26 ans, Mei Lin, développeuse de logiciels à Vancouver, contemple le solde de son compte d’épargne de 12 400 $ avec des émotions mitigées. « Parfois, j’ai l’impression de bien m’en sortir, d’autres jours je me demande si je suis à la traîne », avoue-t-elle en faisant défiler une autre publication sur les réseaux sociaux montrant quelqu’un de son âge qui achète une maison.
L’incertitude de Lin reflète une question plus large qui tourmente les jeunes Canadiens : Comment leurs économies se comparent-elles à celles de leurs pairs ? De nouvelles données financières révèlent que les Canadiens de moins de 35 ans accumulent des économies moyennes d’environ 11 250 $ – un chiffre qui ne raconte qu’une partie d’une histoire financière complexe.
« Les chiffres bruts peuvent être trompeurs sans contexte », explique Jordan Patel, analyste financier de l’Association canadienne de planification financière. « Lorsque nous examinons les taux d’épargne chez les jeunes Canadiens, nous devons tenir compte de leurs défis sans précédent – des coûts record du logement aux importantes dettes d’études que les générations précédentes n’ont tout simplement pas eu à affronter. »
Des données récentes de Statistique Canada montrent que les jeunes Canadiens épargnent environ 5,2 % de leurs revenus, comparativement à la moyenne nationale de 6,4 % pour tous les groupes d’âge. Cet écart, bien qu’inquiétant pour certains experts financiers, n’indique pas nécessairement une irresponsabilité financière.
« Les jeunes professionnels d’aujourd’hui naviguent dans un paysage financier fondamentalement différent de celui qui existait il y a même 15 ans », note la chercheuse économique Sasha Williams. « Dans les grands centres comme Toronto et Vancouver, les coûts du logement ont augmenté de plus de 300 % en deux décennies, tandis que les salaires n’ont augmenté que de 60 % pendant la même période. »
La disparité d’épargne devient plus prononcée lorsqu’on examine les différences régionales. Les jeunes professionnels des provinces des Prairies déclarent des économies moyennes 22 % plus élevées que leurs homologues des régions côtières – ce qui est largement attribué aux coûts de logement plus bas permettant une plus grande flexibilité financière.
Les différences entre les sexes persistent également. Les femmes de moins de 35 ans déclarent des économies moyennes de 9 800 $ contre 12 700 $ pour les hommes – reflétant les écarts salariaux persistants et les différentes trajectoires de progression de carrière. Cette disparité s’accentue avec le temps, créant des différences de richesse à long terme difficiles à surmonter.
« Ce qui est particulièrement troublant, c’est la façon dont ces modèles d’épargne précoce établissent des trajectoires qui affectent la sécurité financière à vie », affirme Dani Rodriguez, spécialiste de la retraite. « Une différence de 3 000 $ à 25 ans devient une différence de 30 000 $ à 45 ans par le seul effet de la croissance composée. »
Pourtant, au milieu de ces défis, des approches innovantes d’épargne émergent chez les jeunes Canadiens. Les cercles d’épargne communautaires, les plateformes de micro-investissement et les arrangements de logement alternatifs gagnent en popularité alors que les voies traditionnelles vers la sécurité financière semblent de plus en plus inaccessibles.
Xavier Tremblay, coach financier basé à Montréal, voit des raisons d’être optimiste : « Cette génération est incroyablement ingénieuse. Ils réécrivent les règles financières parce que les anciennes ne fonctionnent plus. Ils privilégient les connaissances financières et les solutions communautaires d’une manière que les générations précédentes n’ont jamais envisagée. »
Alors que le paysage économique du Canada continue d’évoluer, les critères par lesquels nous mesurons le succès financier pourraient nécessiter un recalibrage. Pour les jeunes Canadiens comme Mei Lin, le bien-être financier pourrait être mieux mesuré en termes de résilience et d’adaptabilité plutôt qu’en soldes de compte bruts.
« J’ai arrêté de me comparer à des références arbitraires », réfléchit Lin. « Je me concentre plutôt sur l’amélioration constante de ma situation financière tout en menant une vie qui a du sens. »
La question demeure : Les jeunes Canadiens suivent-ils le rythme financièrement, ou utilisons-nous des mesures dépassées dans une réalité économique qui a fondamentalement changé ?