Alors que les voyages internationaux retrouvent leurs niveaux d’avant la pandémie, l’Alberta est devenue l’épicentre de l’épidémie de rougeole la plus grave en Amérique du Nord en 2024, avec 29 cas confirmés enregistrés par les autorités sanitaires depuis janvier—un contraste frappant avec les un ou deux cas annuels habituels dans la province.
Cette flambée a envoyé des ondes de choc à travers la communauté médicale canadienne, les épidémiologistes évoquant un concours de circonstances parfait. Dr. Nisha Thampi, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut de recherche CHEO, note que “ce que nous observons en Alberta représente une convergence préoccupante entre l’augmentation des voyages internationaux et la baisse des taux de vaccination, créant une vulnérabilité dans nos communautés.”
Les données sanitaires indiquent que près de 80% des cas en Alberta ont été liés à des voyages internationaux, principalement en provenance de régions connaissant elles-mêmes d’importantes épidémies de rougeole. Les Philippines, l’Inde et certaines parties de l’Europe ont toutes signalé une activité substantielle de la rougeole ces derniers mois, créant des ponts de transmission vers les communautés canadiennes.
“Le problème crucial n’est pas seulement les cas importés,” explique Dr. James Wilson, responsable provincial de la santé. “C’est la propagation secondaire qui se produit dans les communautés dont les taux de vaccination sont inférieurs au seuil de 95% nécessaire pour l’immunité collective.” Plusieurs districts scolaires de l’Alberta rapportent des taux de vaccination ROR oscillant entre 78 et 85%, bien en-dessous des niveaux protecteurs.
L’épidémie a exercé une pression énorme sur les établissements de santé albertains. L’Hôpital pour enfants de Calgary a signalé une augmentation de 34% des visites aux urgences depuis mars, les protocoles d’isolement taxant davantage des ressources déjà limitées. Les administrateurs hospitaliers ont mis en place des procédures de dépistage spéciales et restreint temporairement l’accès aux visiteurs pour protéger les patients vulnérables.
Les autorités sanitaires provinciales ont réagi en ouvrant des cliniques de vaccination d’urgence dans les communautés à haut risque, mais les progrès restent lents. “L’hésitation vaccinale a créé des poches de vulnérabilité dans toute la province,” note Dr. Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada. “Ces zones deviennent un terreau fertile pour la transmission de la rougeole dès qu’un cas est introduit.”
Les implications financières vont au-delà des coûts immédiats de soins de santé. La communauté d’affaires albertaine signale des impacts économiques croissants alors que les parents s’absentent du travail pour s’occuper d’enfants malades ou exclus de l’école en raison de préoccupations d’exposition. Les économistes estiment que l’épidémie pourrait coûter à la province plus de 11 millions de dollars en perte de productivité et en dépenses de santé d’ici la fin de l’été.
Particulièrement préoccupant est l’impact de la maladie sur les communautés autochtones. Santé Canada rapporte que trois communautés nordiques éloignées ont confirmé des cas, avec une infrastructure de soins de santé limitée compliquant les efforts d’intervention. Services aux Autochtones Canada a déployé des équipes médicales d’urgence dans les zones touchées, mais l’isolement géographique présente d’importants défis logistiques.
Des tensions politiques ont également émergé, les chefs de l’opposition remettant en question la préparation du gouvernement provincial. “Cette épidémie représente une urgence de santé publique évitable,” a déclaré le critique en matière de santé du NPD, David Shepherd. “Les signes avant-coureurs étaient présents il y a des mois lorsque les taux de vaccination ont commencé à baisser, mais l’action préventive a été inadéquate.”
À l’approche de la saison estivale des voyages, les responsables de la santé préviennent que la situation pourrait s’aggraver avant de s’améliorer. “Chaque voyageur international représente un pont potentiel pour la transmission de la rougeole,” avertit Dr. Wilson. “Nous sommes particulièrement préoccupés par les camps d’été et les destinations touristiques qui pourraient devenir des points d’amplification.”
L’épidémie en Alberta soulève une question cruciale pour tous les Canadiens : dans notre monde interconnecté, comment équilibrer la liberté individuelle de mouvement avec la responsabilité collective de protection de la santé publique? La réponse pourrait déterminer si cette épidémie reste confinée à l’Alberta ou devient le premier chapitre d’une urgence sanitaire nationale plus large.