Les responsables de la santé publique de l’Île-du-Prince-Édouard font face à une crise sanitaire qui s’intensifie alors que trois nouveaux cas de rougeole ont été confirmés cette semaine, portant le total de la province à sept dans ce qui est devenu la plus importante éclosion de la région depuis des décennies.
Les cas, tous liés à l’École élémentaire de l’Est à Charlottetown, ont provoqué une action rapide des autorités sanitaires provinciales qui ont immédiatement mis en place des protocoles d’isolement pour les personnes touchées tout en lançant une campagne de vaccination d’urgence ciblant les populations vulnérables.
« Nous sommes confrontés à une situation préoccupante qui nécessite une coopération communautaire immédiate », a déclaré la Dre Heather Morrison, médecin hygiéniste en chef de l’Î.-P.-É. « La rougeole est exceptionnellement contagieuse, avec la capacité de se propager jusqu’à 90 % des contacts proches non protégés. Cette éclosion représente un moment crucial pour nos efforts de vaccination. »
Le premier cas, identifié chez un élève du primaire non vacciné qui avait récemment voyagé à l’international, s’est rapidement propagé malgré les efforts de confinement. Les dossiers de santé indiquent que cinq des sept cas concernent des personnes qui n’étaient pas vaccinées ou dont l’historique de vaccination était incomplet, soulignant le rôle crucial de l’immunisation dans la prévention de la transmission.
Les données provinciales montrent que les taux de vaccination ROR (rougeole, oreillons, rubéole) de l’Î.-P.-É. ont diminué d’environ 5 % au cours de la dernière décennie, créant des poches de vulnérabilité dans toute l’île. Cela reflète les tendances nationales préoccupantes rapportées par les autorités de santé publique du Canada qui montrent que les taux de vaccination infantile tombent en dessous du seuil de 95 % nécessaire pour une protection communautaire efficace.
L’éclosion a provoqué d’importantes perturbations au-delà des préoccupations sanitaires. L’École élémentaire de l’Est a annoncé une fermeture temporaire d’une semaine pour un nettoyage en profondeur et pour permettre aux responsables de la santé d’évaluer les risques d’exposition. De plus, plusieurs lieux publics visités par des cas confirmés avant le diagnostic ont été identifiés comme sites d’exposition potentiels, notamment le Centre commercial de Charlottetown, la salle d’attente de l’Hôpital Hillsborough et le service d’urgence de l’Hôpital Queen Elizabeth.
La Dre Morrison a souligné que les symptômes de la rougeole apparaissent généralement 7 à 21 jours après l’exposition, commençant par une forte fièvre, de la toux, un écoulement nasal et des yeux rouges, suivis de l’éruption cutanée caractéristique qui se propage du visage au reste du corps. Les complications peuvent inclure la pneumonie, l’encéphalite et, dans de rares cas, le décès.
En réponse à l’éclosion, la province a établi quatre cliniques de vaccination d’urgence offrant des heures prolongées tout au long de la semaine. La priorité est donnée aux personnes dont le carnet de vaccination est incomplet, particulièrement les enfants et les travailleurs de la santé. Les responsables rapportent que plus de 800 résidents ont reçu des vaccins dans les 48 premières heures de la campagne.
Cette urgence sanitaire locale survient dans un contexte de préoccupations croissantes concernant la rougeole à l’échelle mondiale. L’Organisation mondiale de la Santé a récemment signalé une augmentation de 79 % des cas de rougeole pour 2023, plusieurs pays connaissant des éclosions importantes. Des provinces canadiennes, dont l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont également signalé des cas isolés ces derniers mois, bien qu’aucune n’ait connu d’éclosions communautaires de l’ampleur de celle de l’Î.-P.-É.
Les économistes de la santé estiment que l’impact financier de l’éclosion pourrait atteindre des millions de dollars si l’on tient compte des coûts de soins de santé, de la perte de productivité et des perturbations éducatives. Des éclosions similaires dans d’autres régions ont démontré le fardeau économique substantiel que les maladies évitables par la vaccination peuvent imposer aux systèmes de santé et aux communautés.
La situation a intensifié le débat public sur les politiques de vaccination, certains experts en santé publique appelant à des exigences d’immunisation plus strictes pour la fréquentation scolaire. La politique provinciale actuelle permet des exemptions médicales et de conscience, ce qui, selon certains critiques, a contribué à la vulnérabilité qui a permis l’éclosion actuelle.
Alors que les responsables travaillent à contenir la propagation, des questions demeurent sur la façon d’équilibrer le choix individuel avec la protection de la santé communautaire dans une ère de déclin des taux de vaccination. Cette éclosion servira-t-elle de catalyseur pour des changements de politique, ou simplement comme un rappel temporaire de l’importance cruciale de maintenir des niveaux d’immunisation élevés?