L’odeur âcre de fumée plane sur de vastes étendues des Prairies canadiennes cette semaine alors que des feux de forêt en expansion rapide ont déclenché des ordres d’évacuation sans précédent au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Plus de 10 000 résidents ont fui leurs domiciles dans ce que les responsables des urgences qualifient de l’une des saisons de feux de forêt les plus difficiles de mémoire récente.
“Nous observons un comportement des incendies habituellement réservé au milieu de l’été,” a déclaré Marcus Thompson, chef des opérations de lutte contre les feux de forêt du Manitoba, lors d’un briefing d’urgence hier. “La combinaison de températures anormalement élevées, de précipitations printanières minimales et de vents forts a créé des conditions parfaites pour que ces feux prennent une ampleur explosive.”
Dans le nord de la Saskatchewan, la situation est devenue critique mardi lorsque les flammes ont menacé de couper la seule route d’évacuation de La Ronge, poussant les autorités à faire appel aux aéronefs des Forces armées canadiennes pour aider aux efforts d’évacuation. Des avions de transport CC-130 Hercules sont arrivés mercredi matin, évacuant près de 400 résidents ayant des besoins médicaux critiques alors que la fumée réduisait la visibilité à des niveaux dangereux.
Les incendies ont déjà consumé plus de 130 000 hectares dans les trois provinces, selon les données de Ressources naturelles Canada. C’est presque le triple de la moyenne des 10 dernières années pour cette période de la saison. Au Manitoba seulement, les pompiers combattent 23 feux actifs, dont sept sont classés comme hors de contrôle.
Jennifer Redsky, évacuée, a décrit le voyage éprouvant depuis sa communauté près de Swan River, au Manitoba. “Nous avions 30 minutes pour prendre ce que nous pouvions,” m’a-t-elle confié dans un refuge d’urgence à Winnipeg. “Le ciel était orange, les cendres tombaient comme de la neige, et nous pouvions voir les flammes des deux côtés de l’autoroute pendant notre fuite. Je n’ai jamais eu aussi peur.”
Les organisations provinciales de mesures d’urgence ont établi des centres d’évacuation à Regina, Saskatoon, Winnipeg et Edmonton, où les résidents déplacés reçoivent un hébergement temporaire, de la nourriture et une assistance médicale. La Croix-Rouge canadienne a déployé des équipes d’intervention en cas de catastrophe dans tous les sites, avec des bénévoles travaillant jour et nuit pour enregistrer les évacués et distribuer des fournitures essentielles.
Les climatologues considèrent cette urgence comme une preuve supplémentaire de l’évolution des régimes météorologiques affectant l’Ouest canadien. Dre Elena Markov, climatologue à l’Université de l’Alberta, a noté que “les données montrent que les régions des prairies connaissent des températures printanières supérieures de 1,6°C aux moyennes historiques, couplées à une diminution de 22% des précipitations printanières au cours de la dernière décennie. Ces conditions prolongent considérablement la saison des incendies.”
Pour les communautés déjà évacuées, l’attente a commencé. Les responsables estiment que certains résidents pourraient être déplacés pendant deux semaines ou plus, selon les progrès de confinement des incendies et les évaluations des dommages aux infrastructures. Les images satellite montrent que plusieurs incendies ont déjà endommagé des lignes de transmission électrique, compliquant le retour éventuel.
“Il ne s’agit plus seulement de lutter contre les incendies, mais de s’adapter à une nouvelle réalité,” a déclaré la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, lors d’une conférence de presse à Edmonton hier. “Nous investissons dans des ressources supplémentaires de lutte contre les incendies, mais les communautés ont besoin d’une planification de résilience à long terme contre ces menaces de plus en plus fréquentes.”
L’impact économique s’étend au-delà des coûts immédiats de lutte contre les incendies, les analystes en assurance prévoyant des réclamations potentielles dépassant 500 millions de dollars si les incendies atteignent des zones plus peuplées. Les perturbations commerciales, en particulier dans les secteurs des ressources vitaux pour les économies des prairies, pourraient encore aggraver les pressions financières dans des régions qui se remettent encore des défis liés à la pandémie.
Alors que les ordres d’évacuation s’étendent et que la fumée continue d’affecter la qualité de l’air dans quatre provinces, cette crise de début de saison annonce ce qui pourrait être un été long et difficile pour les pompiers, les communautés et les systèmes d’intervention d’urgence de l’Ouest canadien.