Dans une nette escalade des tensions diplomatiques, la Chine a condamné les récents exercices navals conjoints entre le Canada et les Philippines, les qualifiant de provocation délibérée visant à “semer le trouble” dans la région contestée de la mer de Chine méridionale. Cette réprimande sévère survient alors que le Canada élargit sa coopération militaire avec les nations d’Asie du Sud-Est, dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant les ambitions territoriales de Pékin.
Les manœuvres navales, menées la semaine dernière à environ 185 kilomètres à l’ouest de Manille, impliquaient le NCSM Calgary, une frégate de classe Halifax, aux côtés de plusieurs navires de la Marine philippine. Selon le ministère canadien de la Défense nationale, les exercices se sont concentrés sur les opérations de sécurité maritime, les protocoles de recherche et sauvetage, et l’interopérabilité entre les deux marines.
“Ces exercices collaboratifs reflètent l’engagement du Canada envers un Indo-Pacifique libre et ouvert”, a déclaré l’amiral Thomas Harrison, commandant de la flotte du Pacifique de la Marine royale canadienne. “Notre partenariat avec les Philippines renforce la sécurité régionale et défend le droit maritime international.”
Cependant, lors d’un point presse mardi à Pékin, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a présenté une vision différente des exercices. “Le Canada n’a aucun intérêt légitime dans les affaires de la mer de Chine méridionale, mais continue de s’immiscer dans les questions régionales et de s’aligner avec certains pays pour provoquer la Chine sous prétexte de ‘liberté de navigation'”, a déclaré Wang.
Ces frictions diplomatiques surviennent dans un contexte de tensions accrues entre la Chine et les Philippines concernant les territoires disputés en mer de Chine méridionale. Ces derniers mois ont été marqués par plusieurs confrontations entre navires chinois et philippins près du récif de Scarborough et du haut-fond Second Thomas, zones que la Chine revendique dans le cadre de sa “ligne des neuf traits”, une revendication territoriale englobant près de 90% de cette voie navigable stratégique.
La présence navale accrue du Canada dans la région représente un changement significatif dans la politique étrangère du gouvernement de Justin Trudeau. En 2022, Ottawa a dévoilé sa Stratégie pour l’Indo-Pacifique, allouant plus de 2,3 milliards de dollars pour renforcer l’engagement militaire et diplomatique dans la région. Cette stratégie identifie explicitement la Chine comme une “puissance mondiale de plus en plus perturbatrice” nécessitant une réponse coordonnée.
Les experts notent que les exercices navals canado-philippins, bien que modestes en ampleur, revêtent une importante valeur symbolique. Dr. Amrita Singh, directrice des études de sécurité du Pacifique à l’Université de Colombie-Britannique, a confié que “le Canada signale son soutien aux nations plus petites confrontées aux pressions de Pékin, tout en démontrant son engagement envers un ordre international fondé sur des règles.”
Le secrétaire philippin à la Défense, Antonio Rodriguez, a salué la participation navale canadienne, déclarant : “Notre partenariat avec le Canada renforce nos valeurs communes de souveraineté, d’intégrité territoriale et de résolution pacifique des différends.” Les Philippines ont de plus en plus recherché un soutien international dans leur différend territorial avec la Chine depuis la décision de 2016 de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui a rejeté les vastes revendications maritimes chinoises.
Pékin a systématiquement rejeté la décision du tribunal international et continue d’affirmer ses revendications historiques sur ces eaux riches en ressources, par lesquelles transitent environ 5 billions de dollars du commerce mondial chaque année. Les responsables chinois soutiennent que des puissances extérieures comme le Canada tentent de “militariser” la région en menant des exercices conjoints avec les États littoraux.
Le gouvernement canadien a défendu ces exercices navals comme des manœuvres de routine conformes au droit international. La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a souligné que “le Canada reste déterminé à défendre les principes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à soutenir nos partenaires face à des actions coercitives.”
Alors que la compétition géopolitique s’intensifie dans tout l’Indo-Pacifique, une question fondamentale demeure : l’engagement militaire croissant du Canada dans la région servira-t-il à stabiliser la sécurité maritime, ou compliquera-t-il davantage une situation déjà volatile dans l’une des voies navigables les plus contestées au monde?