Dans une escalade dramatique des tensions entre le Canada et les entreprises technologiques chinoises, Hikvision a lancé une critique cinglante du processus d’examen de la sécurité nationale d’Ottawa, qualifiant l’ordre du gouvernement de cesser ses activités d’ici janvier 2025 comme “procéduralement injuste” et manquant de transparence. Cette riposte sans précédent du géant des équipements de surveillance souligne les frictions croissantes dans la tentative du Canada d’équilibrer les préoccupations de sécurité nationale avec les relations commerciales internationales.
“L’ensemble du processus d’examen s’est déroulé à huis clos, sans aucune possibilité significative pour Hikvision d’aborder les préoccupations du gouvernement,” a déclaré Jeff Ro, directeur des affaires externes d’Hikvision Canada, lors d’une entrevue exclusive. “Nous avons été essentiellement jugés et condamnés sans voir les preuves contre nous.”
La décision du gouvernement fédéral, annoncée le mois dernier après un examen de sécurité nationale qui a duré plusieurs années, exige qu’Hikvision mette fin à toutes ses activités canadiennes dans un délai de six mois. Les responsables ont cité les risques potentiels pour les infrastructures critiques et les préoccupations concernant les liens de l’entreprise avec le gouvernement chinois comme principales motivations pour l’ordre de fermeture.
Les analystes de l’industrie au Forum économique de Toronto ont estimé que l’impact pourrait dépasser 450 millions de dollars en pertes économiques directes et affecter plus de 1 500 emplois canadiens. Les systèmes de surveillance d’Hikvision fonctionnent actuellement dans de nombreux édifices municipaux, centres commerciaux et systèmes de transport en commun canadiens, rendant la transition particulièrement difficile pour de nombreuses organisations.
La controverse émerge dans un contexte de détérioration des relations sino-canadiennes et d’un examen accru des entreprises technologiques chinoises sur les marchés occidentaux. Des restrictions similaires ont été mises en œuvre aux États-Unis et au Royaume-Uni, bien que l’ordre de fermeture complète du Canada représente l’une des réponses les plus sévères à l’échelle mondiale.
Les experts en sécurité restent divisés sur la nécessité de mesures aussi drastiques. “Il existe une préoccupation légitime concernant les portes dérobées potentielles dans la technologie de surveillance connectée aux infrastructures critiques,” a expliqué Dr. Martha Cohen, professeure en cybersécurité à l’Université de Toronto. “Cependant, le refus du gouvernement de divulguer des preuves spécifiques rend impossible l’évaluation de la proportionnalité de cette réponse.”
La Chambre de commerce du Canada a exprimé son inquiétude quant au précédent que cette décision établit pour l’investissement commercial international. “Les entreprises ont besoin de prévisibilité réglementaire,” a déclaré le président de la Chambre, Michael Bourque. “Lorsque le gouvernement peut forcer une fermeture sans justification transparente, cela crée une incertitude qui pourrait dissuader les investissements futurs.”
Les experts juridiques prévoient qu’Hikvision contestera l’ordonnance devant la cour fédérale. “Le manque d’équité procédurale pourrait fournir des motifs de révision judiciaire,” a noté l’avocate constitutionnelle Patricia Menard. “Le droit canadien exige généralement que les parties affectées par des décisions administratives aient la possibilité de connaître et de répondre aux arguments présentés contre elles.”
La fermeture a également suscité un débat politique à Ottawa, les partis d’opposition exigeant une plus grande transparence concernant le processus d’examen de la sécurité nationale. “Le gouvernement ne peut pas simplement citer la ‘sécurité nationale’ et s’attendre à ce que cela mette fin à toute discussion,” a déclaré le chef de l’opposition James Thornton. “Les Canadiens méritent de comprendre les menaces spécifiques qui ont justifié cette action extraordinaire.”
À l’approche de l’échéance de janvier 2025, les municipalités et les entreprises utilisant l’équipement Hikvision font face à des décisions difficiles concernant les technologies de remplacement et les coûts associés. Les estimations de l’industrie suggèrent que la transition des systèmes existants pourrait coûter aux organisations canadiennes plus de 200 millions de dollars.
Dans ce qui semble être une réponse coordonnée, l’ambassade de Chine à Ottawa a publié une déclaration qualifiant les actions du Canada de “politiquement motivées” et avertissant de mesures de représailles potentielles contre les entreprises canadiennes opérant en Chine.
Alors que cette situation se développe, la question fondamentale demeure: dans une ère de tensions géopolitiques croissantes, comment le Canada peut-il équilibrer les préoccupations légitimes de sécurité nationale avec les principes d’équité procédurale et de gouvernance transparente qui sous-tendent notre système démocratique?