Le ministre des Finances Mark Carney a révélé mardi qu’Ottawa s’apprête à annoncer un financement important pour les infrastructures portuaires canadiennes, avec une attention particulière pour les installations de Montréal et du Manitoba, dans le cadre d’une stratégie plus large visant à renforcer les capacités commerciales du Canada face aux tensions économiques mondiales croissantes.
“Nos infrastructures portuaires représentent des artères essentielles pour le commerce canadien,” a déclaré Carney lors de son discours au sommet économique de l’Administration portuaire de Montréal. “Dans les semaines à venir, nous annoncerons des investissements substantiels destinés à moderniser ces installations et à positionner le Canada comme un partenaire commercial résilient dans une économie mondiale de plus en plus fragmentée.”
Cette annonce survient alors que les principaux ports canadiens font face à une pression croissante due à l’augmentation des volumes d’expédition et au vieillissement des infrastructures. Selon les données de Transports Canada, le trafic de conteneurs dans les ports canadiens a augmenté de 28% au cours des cinq dernières années, tandis que les investissements en infrastructure n’ont progressé que de 12% durant la même période.
Les analystes de l’industrie ont identifié le Port de Montréal comme particulièrement vulnérable, sa capacité de manutention de conteneurs atteignant 92% d’utilisation pendant les périodes de pointe. Les initiatives du Manitoba en matière de port intérieur ont également été confrontées à des défis de connectivité qui ont limité leur intégration dans les chaînes d’approvisionnement nationales.
“Le moment ne pourrait pas être mieux choisi,” a souligné Richard Thompson, économiste en chef de l’Institut canadien de recherche sur les transports. “Avec les chaînes d’approvisionnement mondiales qui subissent un réalignement significatif en raison des tensions géopolitiques entre les principaux blocs commerciaux, le Canada a une occasion unique de se positionner comme un corridor alternatif stable pour le commerce nord-américain.”
Le programme de financement, estimé à plus de 3,8 milliards de dollars selon des sources gouvernementales familières avec le plan, donnera la priorité à trois domaines clés : les technologies d’automatisation, les mesures de durabilité environnementale et l’amélioration des connexions intermodales entre les réseaux de transport ferroviaire, routier et maritime.
Pour Montréal spécifiquement, l’investissement vise à résoudre les goulots d’étranglement critiques qui sont apparus avec l’augmentation des volumes d’expédition. Le projet d’expansion orientale du port, en phase de planification depuis 2021, devrait recevoir un soutien fédéral substantiel pour augmenter la capacité de conteneurs d’environ 45%.
CentrePort Canada au Manitoba, le plus grand port intérieur d’Amérique du Nord, devrait bénéficier considérablement de l’amélioration des connexions ferroviaires et des installations de traitement douanier. L’emplacement stratégique de la province est depuis longtemps considéré comme sous-utilisé en raison des limitations d’infrastructure qui ont entravé le mouvement efficace des marchandises.
“Cela représente bien plus que du béton et de l’acier,” a souligné Carney. “Ces investissements reflètent notre engagement à construire une infrastructure commerciale capable de résister à la fragmentation économique que nous observons à l’échelle mondiale, tout en créant d’importantes opportunités d’emploi dans de multiples secteurs.”
La Chambre de commerce du Canada estime que la modernisation des ports pourrait générer jusqu’à 28 000 emplois directs et indirects à l’échelle nationale, avec une concentration particulière dans la construction, la logistique avancée et les technologies numériques.
Les considérations environnementales occupent une place prépondérante dans le cadre de financement, avec environ 30% des allocations destinées aux technologies de réduction des émissions, aux capacités d’alimentation électrique à quai et aux équipements de manutention de marchandises plus efficaces. Cela s’aligne sur l’engagement du Canada envers le développement durable tout en renforçant la compétitivité économique.
Les critiques de l’opposition ont remis en question le moment choisi pour cette annonce, suggérant qu’elle pourrait être motivée politiquement à l’approche des élections provinciales. Cependant, les parties prenantes de l’industrie ont largement accueilli cette initiative comme nécessaire, indépendamment des considérations politiques.
“La nécessité de cet investissement transcende la politique,” a déclaré Marie Dupont, présidente de l’Association des administrations portuaires canadiennes. “Nos concurrents internationaux n’ont pas stagné, et nous ne pouvons pas non plus si nous voulons maintenir notre position dans les réseaux commerciaux mondiaux.”
L’annonce du financement devrait être officialisée dans les deux prochaines semaines, selon des sources gouvernementales. Il s’agira du plus important investissement dédié aux infrastructures portuaires de l’histoire canadienne, dépassant le record précédent établi en 2016.
Alors que les modèles commerciaux mondiaux continuent d’évoluer dans un contexte de protectionnisme croissant et de réalignement des chaînes d’approvisionnement, l’investissement stratégique du Canada dans ses portes maritimes sera-t-il suffisant pour sécuriser sa position en tant qu’acteur clé dans le commerce nord-américain, ou sommes-nous simplement en train de rattraper des concurrents internationaux plus agressifs?