Dans une mesure diplomatique sans précédent, le Canada a ordonné à tous les responsables identifiés du régime iranien de quitter immédiatement le pays, citant de graves préoccupations de sécurité nationale et des preuves croissantes de tactiques d’intimidation contre des citoyens canadiens. Cette expulsion marque une escalade significative dans la position du Canada contre ce que les autorités décrivent comme un “schéma de comportement malveillant” de Téhéran sur le sol canadien.
La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a annoncé cette décision lundi, révélant qu’environ 10 personnes ayant des liens confirmés avec le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran (CGRI) et d’autres entités du régime vivaient au Canada malgré l’absence de relations diplomatiques formelles entre Ottawa et Téhéran depuis 2012.
“Ces individus n’auraient jamais dû être autorisés à entrer au Canada,” a déclaré Joly lors d’une conférence de presse à Ottawa. “Leur présence constitue une menace sérieuse pour les Canadiens, particulièrement pour les membres des communautés irano-canadiennes qui ont fait face à du harcèlement, de l’intimidation et de la surveillance pour s’être exprimés contre le régime.”
Cette décision fait suite à des mois de preuves accumulées par les agences de sécurité canadiennes documentant des campagnes systématiques d’intimidation contre les critiques du régime. La Gendarmerie royale du Canada a identifié plusieurs cas où des Irano-Canadiens ont reçu des messages menaçants, ont fait l’objet d’une surveillance inexpliquée ou ont été directement avertis concernant leurs activités anti-régime.
Le directeur du SCRS, David Vigneault, a confirmé que des responsables iraniens opéraient un réseau sophistiqué d’influence et d’intimidation à l’intérieur des frontières canadiennes. “Nous avons documenté des preuves claires d’ingérence étrangère dirigée par Téhéran qui menace la sécurité des Canadiens et mine nos institutions démocratiques,” a expliqué Vigneault.
Le Congrès irano-canadien a critiqué le gouvernement pour ne pas avoir agi plus tôt, notant que des membres de la communauté ont signalé des intimidations depuis des années. Kaveh Shahrooz, un éminent militant des droits de la personne, a qualifié ces expulsions de “tardives mais bienvenues.”
“Beaucoup d’entre nous ont vécu dans la peur, sachant que des agents du régime opéraient librement au Canada tandis que nos proches en Iran risquaient de subir des conséquences en raison de nos activités ici,” a confié Shahrooz.
Cette tension diplomatique survient dans un contexte de préoccupations mondiales plus larges concernant les activités de l’Iran à l’étranger. Plusieurs nations européennes ont pris des mesures similaires ces derniers mois, l’Allemagne et la France ayant toutes deux expulsé des responsables iraniens liés à des opérations de surveillance contre des dissidents.
Le premier ministre Justin Trudeau a défendu cette action comme nécessaire pour protéger la souveraineté canadienne. “Le Canada ne tolérera pas l’ingérence étrangère ou l’intimidation. Les individus liés au régime iranien n’ont pas leur place dans notre pays lorsqu’ils menacent la sûreté et la sécurité des Canadiens,” a-t-il déclaré pendant la période des questions.
L’ambassade d’Iran au Pakistan, qui gère les intérêts iraniens au Canada, a qualifié les expulsions de “sans fondement” et “politiquement motivées,” avertissant de potentielles actions réciproques contre les intérêts canadiens.
Les experts en sécurité notent que le défi reste l’identification de tous les individus liés au régime. Jessica Davis, ancienne analyste du renseignement du SCRS et présidente de Insight Threat Intelligence, a expliqué que les opérations iraniennes emploient souvent des intermédiaires sans statut officiel.
“Ces expulsions ciblent des responsables connus, mais le manuel de Téhéran inclut l’utilisation d’étudiants, d’hommes d’affaires et de membres de la communauté comme agents informels,” a indiqué Davis. “Le réseau s’étend probablement au-delà de ceux qui sont expulsés.”
Le gouvernement s’est engagé à prendre des mesures de sécurité supplémentaires, notamment un contrôle renforcé des visas d’entrée en provenance d’Iran et un soutien accru pour les Irano-Canadiens confrontés à l’intimidation. Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a annoncé un nouveau mécanisme de signalement pour les membres de la communauté qui subissent des menaces.
Alors que le Canada prend cette mesure dramatique dans son approche des activités du régime iranien, la question fondamentale demeure: comment les nations démocratiques équilibreront-elles l’ouverture avec le défi croissant de protéger leurs citoyens contre les campagnes d’intimidation étrangères opérant à l’intérieur de leurs propres frontières?