Une odeur âcre de fumée flotte dans l’air sur de vastes étendues du territoire canadien cette semaine, alors qu’une combinaison sans précédent de fumée de feux de forêt et de chaleur extrême crée des conditions dangereuses d’un océan à l’autre. Dans ce que les météorologues appellent une “catastrophe climatique composée”, des millions de Canadiens et Canadiennes se retrouvent soit à suffoquer dans un air de qualité dangereuse, soit à transpirer sous des températures record, ou les deux simultanément.
“Nous sommes témoins des impacts des changements climatiques en temps réel, et ils s’intensifient plus rapidement que nos modèles ne l’avaient prédit,” affirme Dre Elaine Chen, climatologue à l’Université de Colombie-Britannique. “Ce n’est pas juste un autre mauvais été—c’est la nouvelle réalité à laquelle nous devons nous adapter.”
En Colombie-Britannique, plus de 175 feux actifs ont forcé près de 15 000 résidents à quitter leur domicile, l’intérieur de la province faisant face aux pires conditions. Les incendies ont généré d’immenses panaches de fumée que les images satellites montrent s’étendant vers l’est à travers l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, où l’Indice de la qualité de l’air est resté à des niveaux de “risque très élevé” pendant huit jours consécutifs.
Pendant ce temps, le sud de l’Ontario et le Québec connaissent leur troisième canicule majeure de l’été, avec des températures dépassant les 38°C à Toronto hier et un taux d’humidité donnant une sensation de près de 45°C. Les services d’urgence des deux provinces signalent une augmentation de 60% des maladies liées à la chaleur par rapport aux moyennes historiques.
“Ce qui rend cette situation particulièrement dangereuse, c’est l’effet combiné,” explique Dr Markus Singh, médecin urgentiste à l’Hôpital général de Toronto. “Quand la chaleur extrême et la mauvaise qualité de l’air se chevauchent, les systèmes respiratoire et cardiovasculaire subissent un stress composé. Nous voyons des patients qui auraient pu tolérer l’une des conditions mais qui sont dépassés par les deux simultanément.”
Les impacts économiques s’accumulent rapidement. Agriculture Canada estime que les pertes de récoltes pourraient dépasser 1,2 milliard de dollars cette saison, tandis que les communautés dépendantes du tourisme signalent des taux d’annulation approchant 70% pendant ce qui devrait être leur période de revenus maximale. La consommation d’électricité pour la climatisation a atteint des sommets historiques, mettant à rude épreuve les réseaux électriques et déclenchant des pannes tournantes dans plusieurs municipalités.
Les communautés autochtones des régions nordiques font face à des défis particulièrement graves. Dans le nord du Manitoba, la Nation crie de Mathias Colomb a été complètement évacuée pour la troisième fois en quatre ans en raison des feux de forêt qui s’approchent. La chef Katherine Sinclair a exprimé sa frustration face à ce cycle de déplacements. “Nos aînés disent que le territoire ne s’est jamais comporté ainsi de mémoire d’homme. Il ne s’agit plus seulement d’intervention d’urgence—il s’agit de savoir si nos territoires traditionnels resteront habitables.”
La ministre fédérale de l’Environnement, Sarah Williams, a annoncé hier un financement d’urgence de 350 millions de dollars pour soutenir les efforts de lutte contre les incendies et l’aide aux évacués, reconnaissant que les changements climatiques ont fondamentalement modifié la relation du Canada avec l’été. “Ce qui était autrefois un événement extrême occasionnel est devenu notre nouveau modèle saisonnier,” a déclaré Williams lors d’une conférence de presse à Ottawa. “Nos infrastructures, nos systèmes de santé et nos capacités d’intervention d’urgence ont tous besoin d’améliorations importantes pour s’adapter à cette réalité.”
Les responsables de la santé publique des régions touchées exhortent les populations vulnérables—notamment les personnes âgées, les femmes enceintes et celles souffrant de problèmes respiratoires ou cardiaques préexistants—à rester à l’intérieur avec filtration d’air lorsque possible. Des centres de rafraîchissement communautaires ont été établis dans les grandes zones urbaines, bien que la fréquentation ait été limitée en raison des préoccupations concernant la transmission de variants de COVID dans des espaces clos.
Alors que le Canada navigue dans cet été difficile, des questions se posent sur la résilience et l’adaptation à long terme. Nos villes auront-elles besoin de reconceptions architecturales pour résister à ces nouvelles réalités climatiques? Comment les pratiques agricoles évolueront-elles pour maintenir la sécurité alimentaire? Et peut-être plus crucial encore, quelle volonté politique existe-t-il pour s’attaquer aux causes profondes de ces schémas climatiques qui s’intensifient?
Les réponses demeurent floues, mais alors que les Canadiens et Canadiennes scrutent l’horizon brumeux vers des cieux incertains, une chose devient évidente : notre relation avec l’été a fondamentalement changé, et l’adaptation n’est plus optionnelle.