Alors que la lueur ambrée des feux de forêt peint à nouveau l’horizon canadien cet été, une coalition grandissante de praticiens autochtones du feu avance un message puissant : les connaissances traditionnelles doivent être au cœur de notre stratégie nationale contre les incendies, et non une simple réflexion saisonnière.
“Nous entrons dans la troisième saison catastrophique consécutive des incendies, pourtant nous continuons à traiter les connaissances autochtones sur le feu comme complémentaires plutôt que fondamentales,” explique Raymond Cardinal, gardien héréditaire du feu de la Nation crie de Saddle Lake et membre fondateur d’Intendance autochtone du feu Canada (IAFC). “Nos ancêtres ont géré ces territoires pendant des milliers d’années. Ce n’est pas expérimental—c’est une méthodologie éprouvée.”
L’IAFC nouvellement formée représente des gardiens du savoir sur le feu de plus de 40 Premières Nations à travers le pays qui militent pour la mise en œuvre toute l’année des pratiques de brûlage culturel. Leur timing ne pourrait être plus critique, alors qu’Environnement Canada prévoit que des températures supérieures à la moyenne persisteront jusqu’en octobre dans une grande partie de l’ouest et du nord du Canada.
Depuis 2023, les feux de forêt ont consumé plus de 18 millions d’hectares de forêts canadiennes—une superficie plus grande que l’Angleterre et le Pays de Galles réunis. L’impact économique dépasse les 12 milliards de dollars si l’on tient compte des évacuations, des dommages matériels, des coûts de santé et des perturbations économiques, selon une analyse de l’Institut climatique du Canada.
“Ce qui distingue l’intendance autochtone du feu, c’est son approche holistique et préventive,” explique Dr. Amy Wilson, écologiste forestière à l’Université de la Colombie-Britannique. “Plutôt que de simplement réagir aux urgences, les pratiques traditionnelles se concentrent sur la création d’écosystèmes résilients tout au long de l’année grâce à des brûlages contrôlés qui réduisent les charges de combustible tout en respectant le calendrier saisonnier et les conditions locales.”
Le gouvernement fédéral a alloué 256 millions de dollars aux initiatives de gestion du feu dirigées par les Autochtones dans son dernier budget, mais les membres de l’IAFC soutiennent que le modèle de financement reste problématique.
“Le système actuel nous oblige à concourir pour des subventions avec des processus de demande conçus autour des cadres scientifiques occidentaux,” note Melissa Moses, coordinatrice de l’IAFC de la Nation Lhtako Dené. “Nous avons besoin de structures de financement permanentes qui reconnaissent la garde du feu comme un travail culturel continu, et non comme des interventions basées sur des projets.”
Plusieurs provinces commencent à intégrer les pratiques autochtones dans leurs stratégies de gestion des feux de forêt. La Colombie-Britannique a signé un accord historique avec la Société des services d’urgence des Premières Nations le mois dernier, formalisant des approches collaboratives pour les brûlages dirigés. Pendant ce temps, le programme pilote de l’Alberta avec quatre Nations du Traité 6 a montré des résultats prometteurs en réduisant la gravité des feux de forêt estivaux là où des brûlages culturels ont été effectués au printemps.
L’IAFC préconise un cadre national qui établirait des programmes de gardiennage autochtone du feu dans chaque province et territoire, avec un financement dédié et une reconnaissance formelle des gardiens du savoir sur le feu en tant que professionnels certifiés au sein du système d’intervention d’urgence du Canada.
“Il ne s’agit pas de remplacer la lutte conventionnelle contre les incendies, mais de transformer notre relation avec le feu, passant de la peur au respect et à une intendance responsable,” explique Cardinal. “Les connaissances existent au sein de nos communautés. Ce qui est nécessaire, c’est l’engagement institutionnel et financier pour les mettre en œuvre toute l’année.”
Les climatologues confirment qu’avec l’augmentation continue des températures mondiales, les saisons des feux au Canada s’intensifieront probablement. La question qui se pose aux décideurs politiques et aux communautés est de savoir si nous continuerons à répondre à chaque crise lorsqu’elle éclate, ou si nous adopterons la sagesse préventive que les nations autochtones ont affinée au fil d’innombrables générations.
“Chaque hectare brûlé représente non seulement des dommages environnementaux, mais aussi un échec à écouter,” dit Moses. “Combien de saisons d’incendies record faudra-t-il encore avant que nous reconnaissions que les gardiens originels de ces terres pourraient détenir les solutions dont nous avons si désespérément besoin?”