Dans un moment décisif pour les relations de travail canadiennes, le plus grand syndicat d’Air Canada a pris la mesure extraordinaire de défier un ordre fédéral de retour au travail, poursuivant leur grève malgré l’intervention gouvernementale. Ce défi sans précédent à l’autorité d’Ottawa a provoqué des ondes de choc dans le paysage industriel canadien et pourrait fondamentalement modifier la dynamique du pouvoir entre les travailleurs, les employeurs et l’État.
L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), représentant plus de 9 600 employés au sol et de maintenance, a voté massivement pour rejeter la directive gouvernementale émise la semaine dernière. “Il ne s’agit plus simplement de salaires,” a déclaré Maria Delgado, présidente canadienne de l’AIMTA. “Il s’agit du droit des travailleurs de retenir leur main-d’œuvre lorsque les négociations échouent. L’intervention du gouvernement mine le fondement même de la négociation collective.”
La grève est maintenant entrée dans sa quatrième semaine, clouant au sol environ 65% de la flotte d’Air Canada et affectant environ 175 000 passagers quotidiennement. L’impact économique a été sévère, le secteur touristique canadien signalant des pertes dépassant 450 millions de dollars et une pression croissante sur les chaînes d’approvisionnement qui dépendent des services de fret aérien.
Les experts du travail suggèrent que cette défiance marque un tournant significatif. “Nous n’avons pas vu ce niveau de résistance à l’intervention fédérale en matière de travail depuis les grèves postales des années 1980,” a noté Dr. Thomas Chen, professeur de relations de travail à l’Université de Toronto. “La différence maintenant est le soutien généralisé du public et l’amplification numérique du message des travailleurs.”
En effet, un sondage d’opinion publique réalisé par Angus Reid montre que 58% des Canadiens soutiennent le droit des travailleurs à poursuivre leur grève, un chiffre qui a augmenté de 12 points de pourcentage depuis l’ordre gouvernemental de retour au travail.
Le gouvernement fédéral fait face à une situation précaire. “La ministre du Travail est prise entre l’application de la loi et l’escalade potentielle des tensions en imposant des amendes ou en demandant des injonctions judiciaires,” a expliqué Jennifer Macdonald, analyste politique spécialisée en législation du travail. “Toute réponse musclée pourrait se retourner politiquement, surtout avec d’autres grands syndicats qui observent attentivement.”
Cette impasse se produit dans le contexte d’un paysage syndical canadien en évolution. Statistique Canada a rapporté le mois dernier que l’adhésion syndicale a augmenté de 8,3% au cours des deux dernières années, inversant un déclin qui durait depuis des décennies. Les travailleurs de divers secteurs, des soins de santé à la fabrication, obtiennent des contrats plus favorables suite aux pénuries de main-d’œuvre liées à la pandémie et aux préoccupations inflationnistes.
La direction d’Air Canada maintient que les actions du syndicat sont “profondément irresponsables” et a demandé l’intervention des tribunaux pour faire appliquer la législation de retour au travail. Le PDG Michael Rousseau a déclaré hier: “Chaque jour où cette action illégale se poursuit coûte à notre entreprise 22 millions de dollars et endommage davantage la réputation du Canada comme destination de voyage fiable.”
La confrontation a attiré l’attention internationale, les mouvements syndicaux aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie exprimant leur solidarité avec les travailleurs canadiens. La Fédération internationale des ouvriers du transport a établi un fonds de soutien de 5 millions de dollars pour les employés en grève.
Les analystes de l’industrie suggèrent que les effets d’entraînement pourraient s’étendre bien au-delà d’Air Canada. “Nous voyons déjà les syndicats de WestJet, du Canadien National et même des secteurs de service public adopter des positions de négociation plus affirmées,” a déclaré Elaine Wong, économiste en chef chez RBC Marchés des Capitaux. “Le défi réussi de la législation de retour au travail pourrait fondamentalement modifier l’équilibre du pouvoir dans les relations de travail canadiennes pour les années à venir.”
Alors que cette confrontation à enjeux élevés se poursuit, les Canadiens se demandent: Si les ordres gouvernementaux de retour au travail peuvent être efficacement contestés, sommes-nous témoins de l’émergence d’une nouvelle ère dans les relations de travail canadiennes où les travailleurs détiennent substantiellement plus de pouvoir qu’à n’importe quel moment des dernières décennies?