Une situation qui menace de perturber le service postal à travers le pays se dessine alors qu’environ 55 000 travailleurs de Postes Canada s’apprêtent à débrayer ce vendredi, après plusieurs mois de négociations contractuelles infructueuses. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a déposé hier un préavis de grève officiel, citant l’impasse des pourparlers concernant les salaires, les conditions de travail et la sécurité d’emploi, et ce malgré les efforts de médiation fédérale.
“Nous sommes à la table des négociations depuis près de huit mois avec des progrès minimes sur des enjeux critiques qui affectent les moyens de subsistance de nos membres,” a déclaré Marion Reynolds, présidente nationale du STTP. “La société continue de promouvoir un programme de réduction des coûts qui mine à la fois la qualité du service et le bien-être des travailleurs.”
Cette potentielle interruption de travail survient à un moment particulièrement difficile pour Postes Canada, qui a rapporté une perte opérationnelle de 128 millions de dollars au premier trimestre de 2025, dans un contexte de baisse du volume de courrier et d’augmentation de la concurrence dans le secteur de la livraison de colis. La société d’État a proposé un plan de modernisation qui comprend des ajustements de personnel et une restructuration opérationnelle, des mesures que le syndicat qualifie de tentatives à peine voilées pour réduire les postes à temps plein.
Au cœur du conflit se trouvent des visions concurrentes pour l’avenir de Postes Canada. La direction maintient que des changements opérationnels significatifs sont nécessaires pour assurer la durabilité à long terme dans un marché de plus en plus numérique, tandis que le syndicat soutient que les travailleurs ne devraient pas supporter le poids des coûts de transformation après avoir fourni des services essentiels tout au long de la pandémie et au-delà.
“Nos membres ont été déclarés essentiels pendant la COVID-19, faisant face à des risques et des charges de travail sans précédent,” a souligné Reynolds. “Maintenant, on nous demande d’accepter une réduction des avantages sociaux et de la sécurité d’emploi alors que la rémunération des dirigeants continue d’augmenter.”
Le ministre canadien du Travail, David Chen, a appelé les deux parties à reprendre les négociations, soulignant l’impact économique potentiel des interruptions de service. “Une grève postale affecte non seulement la société et ses travailleurs, mais aussi d’innombrables petites entreprises, communautés rurales et Canadiens vulnérables qui dépendent de la livraison du courrier,” a déclaré Chen lors d’un point de presse sur la Colline du Parlement.
Le conflit a suscité des inquiétudes parmi les organisations de petites entreprises canadiennes, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante estimant qu’une grève prolongée pourrait coûter aux petites entreprises jusqu’à 250 millions de dollars par semaine en paiements retardés et en opérations perturbées. Les détaillants de commerce électronique sont particulièrement vulnérables, plusieurs s’empressant de sécuriser des arrangements de livraison alternatifs avant l’échéance de vendredi.
Pour les Canadiens habitués à recevoir des chèques gouvernementaux, des médicaments sur ordonnance et d’autres articles essentiels par la poste, des plans d’urgence sont en cours d’élaboration. Service Canada a indiqué que les paiements de pension et de prestations normalement livrés par la poste seront disponibles pour être récupérés à des endroits désignés, tandis que Postes Canada a assuré que certaines livraisons humanitaires se poursuivront même pendant un arrêt de travail.
Les analystes financiers qui surveillent la situation notent que le moment présente des défis pour les deux parties. “Avec les préoccupations d’inflation qui persistent et la croissance économique qui ralentit, Postes Canada fait face à de véritables pressions financières,” a expliqué Dr. Emily Thornton, professeure d’économie à l’Université de Toronto. “Cependant, les travailleurs subissent les mêmes augmentations du coût de la vie qui mettent à rude épreuve les budgets des ménages à l’échelle nationale.”
Le gouvernement fédéral n’a pas encore indiqué s’il envisagerait une législation de retour au travail, une mesure controversée utilisée lors de précédents conflits postaux. Des experts juridiques suggèrent qu’une telle intervention ferait face à des défis importants dans le cadre des lois du travail actuelles et des protections de la Charte pour les droits de négociation collective.
Alors que les entreprises et les citoyens se préparent à d’éventuelles perturbations, la question demeure : à l’ère de la communication numérique et des multiples options de livraison, cette grève postale révélera-t-elle à quel point Postes Canada reste essentielle à notre infrastructure nationale, ou démontrera-t-elle combien notre dépendance au service postal traditionnel a diminué?