Alors que le conflit de travail à Postes Canada entre dans sa troisième semaine, les propriétaires de petites entreprises de la Colombie-Britannique se retrouvent dans une situation de plus en plus difficile, nombreux signalant des perturbations importantes de leurs opérations et des inquiétudes croissantes quant à leur stabilité financière.
Les grèves tournantes, qui ont commencé après l’échec des négociations entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) fin octobre, ont créé un cauchemar logistique pour les entreprises qui dépendent fortement des services postaux pour tout, des livraisons de produits au traitement des factures.
“J’ai perdu environ 8 000 $ de ventes rien que cette semaine,” déclare Marisa Chen, propriétaire de Coastal Designs, une entreprise vancouvéroise de bijoux artisanaux. “Nos précommandes pour la saison des fêtes sont bloquées dans des entrepôts tandis que les clients deviennent de plus en plus frustrés. Certains ont déjà demandé des remboursements.”
Le moment ne pourrait être pire pour le secteur du commerce de détail en C.-B. À l’approche de la cruciale saison des achats des fêtes, de nombreux propriétaires de petites entreprises comptaient sur de fortes ventes au quatrième trimestre pour se remettre des difficultés économiques antérieures. Selon une récente enquête de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, près de 68 % des petites entreprises en Colombie-Britannique déclarent être “significativement affectées” par la perturbation postale.
Pour les entreprises de commerce électronique, qui ont explosé en popularité pendant la pandémie et continuent de représenter un segment croissant de l’économie britanno-colombienne, l’impact a été particulièrement sévère. Nombreuses se sont précipitées pour trouver des options de livraison alternatives, pour découvrir que les services de messagerie privés s’accompagnent de coûts substantiellement plus élevés.
“Le passage aux coursiers privés a augmenté nos coûts d’expédition de près de 300 %,” explique Jamal Williams, fondateur de Mountain Brew, une entreprise de thé biologique basée à Surrey. “Nous sommes confrontés à un choix impossible : absorber ces coûts et fonctionner à perte, ou les répercuter sur les clients et risquer de perdre des ventes. Aucune option n’est viable.”
La perturbation s’étend au-delà du commerce de détail. Des cabinets de services professionnels signalent des retards dans la réception des paiements, les chèques envoyés par la poste restant non livrés, créant des problèmes de trésorerie qui menacent leur capacité à respecter leurs obligations salariales. Pendant ce temps, les prestataires de soins de santé font face à des difficultés pour recevoir des fournitures médicales et envoyer des documents importants.
En réponse à la crise croissante, certaines organisations d’affaires ont appelé à une intervention gouvernementale. La Chambre de commerce de la C.-B. a exhorté les responsables fédéraux à envisager une législation de retour au travail si un accord ne peut être conclu rapidement, arguant que l’impact économique d’une perturbation postale prolongée pourrait avoir des conséquences durables pour l’économie de la province.
“Les petites entreprises sont l’épine dorsale de nos communautés,” déclare Eleanor Thompson, présidente de la Chambre de commerce de la C.-B. “Beaucoup de ces entreprises fonctionnent avec des marges très minces et ne peuvent tout simplement pas supporter une perturbation prolongée des services postaux, surtout pendant la période critique précédant les fêtes.”
Le ministre fédéral du Travail a jusqu’à présent résisté aux appels à une intervention législative, soulignant la croyance du gouvernement dans le processus de négociation collective. Cependant, la pression continue de monter à mesure que le bilan économique s’alourdit.
À Victoria, le propriétaire de petite entreprise Michael Dawson a pris les choses en main. Sa librairie, Lighthouse Reads, a organisé un réseau de livraison local avec d’autres entreprises voisines. “Ce n’est pas idéal, mais nous nous adaptons,” dit Dawson. “Nous avons créé un circuit de livraison de quartier où nous prenons chacun notre tour pour déposer des colis chez les clients locaux. Cela a en fait créé un sentiment communautaire plus fort entre les entreprises.”
Bien que de telles solutions créatives offrent un soulagement temporaire, elles ne peuvent pas remplacer complètement l’infrastructure et la portée de Postes Canada, particulièrement pour les entreprises qui expédient à l’échelle nationale ou internationale.
Alors que les négociations se poursuivent entre Postes Canada et le syndicat des travailleurs des postes, les entreprises de la C.-B. se demandent combien de temps elles peuvent maintenir leurs opérations dans ces conditions et quel impact durable cette perturbation pourrait avoir sur la confiance des consommateurs envers les petites entreprises qui dépendent du système postal.
La question qui se pose maintenant aux parties en conflit et aux responsables gouvernementaux est de savoir si les dommages économiques plus larges causés par ce conflit de travail finiront par l’emporter sur les questions spécifiques négociées à la table des négociations. Et pour des milliers de propriétaires d’entreprises de la C.-B., la réponse ne peut pas venir assez tôt.