Dans une initiative décisive qui signale l’urgence croissante de la situation du logement dans la province, les autorités du Nouveau-Brunswick ont annoncé hier la formation d’un groupe de travail spécialisé consacré à la crise de l’itinérance qui s’intensifie. L’initiative, décrite par la ministre du Développement social Jill Green comme ayant une approche “de type urgence”, représente l’effort le plus concentré à ce jour pour aborder un problème qui s’est considérablement aggravé dans toute la province ces dernières années.
“Ce que nous voyons dans nos rues n’est pas seulement un problème de logement—c’est un défi humanitaire qui exige une action immédiate et coordonnée”, a déclaré Green aux journalistes lors de l’annonce à Fredericton. Le groupe de travail fonctionnera avec une autorité sans précédent, rassemblant des ressources de plusieurs ministères, dont le Développement social, la Santé, la Justice et la Sécurité publique.
La crise est devenue de plus en plus visible dans les grands centres urbains du Nouveau-Brunswick. À Saint John seulement, les campements de sans-abri se sont multipliés, les résidents vulnérables faisant face à des conditions de plus en plus dangereuses à l’approche de l’hiver. Selon les récentes données provinciales, les taux d’itinérance ont augmenté d’environ 35 % au cours des deux dernières années, dépassant largement la capacité d’hébergement disponible.
Ce qui distingue cette initiative des efforts précédents est son mandat multidimensionnel. Plutôt que de se concentrer uniquement sur l’hébergement d’urgence, le groupe de travail abordera simultanément les services de santé mentale, le traitement des dépendances et le développement de logements abordables—reconnaissant la nature complexe et interconnectée de l’itinérance.
“Cela représente un changement fondamental d’approche”, explique Dr. Martha Collins, experte en politique du logement à l’Université du Nouveau-Brunswick. “En réunissant des intervenants de tous les organismes gouvernementaux et communautaires, ils reconnaissent que l’itinérance ne concerne pas seulement le manque d’abri—c’est une défaillance des systèmes dans plusieurs domaines.”
L’annonce a suscité un optimisme prudent parmi les groupes de défense et les fournisseurs de services, dont beaucoup réclament depuis longtemps une intervention plus complète. John Barrington, directeur du Réseau de logement communautaire à Moncton, accueille favorablement l’initiative tout en soulignant la nécessité d’actions concrètes au-delà de la planification.
“Nous avons déjà vu des groupes de travail auparavant”, note Barrington. “Ce qui rend celui-ci différent est la désignation d’urgence, qui, espérons-le, se traduira par un déploiement rapide des ressources plutôt que par des mois de délibération pendant que les gens restent dans la rue.”
La province a engagé un financement initial de 18,7 millions de dollars pour soutenir des interventions immédiates, y compris l’augmentation de la capacité d’hébergement et des services de proximité. Cela représente une augmentation significative par rapport aux allocations précédentes pour les initiatives de lutte contre l’itinérance au Nouveau-Brunswick.
Les critiques, cependant, se demandent si l’approche du groupe de travail aborde adéquatement les problèmes structurels qui alimentent l’itinérance. Le critique de l’opposition en matière de logement, Robert McKee, a exprimé son inquiétude qu’en l’absence de mesures pour remédier à la crise de l’offre de logements abordables et aux inégalités de revenus, l’initiative risque de devenir “un pansement sur une plaie beaucoup plus profonde.”
Le moment est particulièrement critique alors que les températures chutent dans toute la province. L’hiver dernier, plusieurs sans-abri ont été hospitalisés avec de graves blessures liées au froid, et les organismes communautaires ont averti que sans intervention substantielle, la situation pourrait s’aggraver considérablement cette année.
La ministre Green a reconnu ces préoccupations, notant que le groupe de travail fonctionnera avec des mandats à court et à long terme. “Nous avançons sur des voies parallèles—en abordant la crise qui se présente à nous tout en construisant des systèmes durables pour prévenir l’itinérance future”, a-t-elle déclaré.
Alors que le Nouveau-Brunswick rejoint d’autres provinces canadiennes en déclarant l’itinérance comme une urgence nécessitant une intervention spéciale, la question demeure: ce modèle de groupe de travail peut-il offrir la réponse rapide et complète nécessaire pour faire face à une crise qui dure depuis des années, ou les contraintes bureaucratiques limiteront-elles son efficacité face à la menace imminente de l’hiver?