Dans une évaluation sobre publiée hier, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a documenté une hausse alarmante de 15% des prix alimentaires mondiaux depuis janvier, marquant la plus forte augmentation sur six mois depuis près d’une décennie. Le rapport détaillé, “Perspectives de la sécurité alimentaire mondiale 2025“, dresse un tableau préoccupant de la façon dont les crises mondiales convergentes démantèlent systématiquement des décennies de progrès en matière de sécurité alimentaire.
“Ce que nous observons n’est pas simplement une fluctuation temporaire du marché,” explique le Directeur général de la FAO, Qu Dongyu. “Ces augmentations de prix représentent l’aboutissement de multiples chocs systémiques qui ont fondamentalement déstabilisé les systèmes alimentaires mondiaux.”
Le rapport identifie un réseau interconnecté de facteurs causatifs qui alimentent la crise actuelle. Les catastrophes liées au climat ont dévasté la production agricole sur quatre continents, avec des inondations sans précédent en Asie du Sud-Est détruisant près de 30% de la production de riz de la région. Pendant ce temps, les conditions de sécheresse prolongée dans le Sahel africain ont réduit les rendements céréaliers d’environ 45% par rapport aux moyennes quinquennales.
Les zones de conflit continuent de perturber les activités agricoles critiques et les chaînes d’approvisionnement. Le rapport souligne spécifiquement comment la situation actuelle en Ukraine a retiré environ 26 millions de tonnes de céréales des marchés mondiaux. De même, l’escalade des tensions au Moyen-Orient a perturbé des routes maritimes vitales, augmentant les coûts de transport jusqu’à 200% pour les denrées alimentaires essentielles transitant par la région.
L’aspect peut-être le plus préoccupant est l’analyse des facteurs économiques du rapport. Les prix mondiaux des engrais ont augmenté de 78% en glissement annuel, exerçant une pression énorme sur les agriculteurs du monde entier. Les petits producteurs des régions en développement ont été touchés de manière disproportionnée, beaucoup étant incapables de se permettre les intrants nécessaires au maintien des niveaux de production.
“L’inflation des prix alimentaires a atteint des niveaux dangereux dans plusieurs régions,” note le Dr Maximo Torero, économiste en chef de la FAO. “Nous enregistrons une inflation alimentaire à deux chiffres dans 63 pays, les impacts les plus graves étant concentrés dans les pays à faible revenu importateurs de denrées alimentaires.”
Les conséquences vont au-delà des indicateurs économiques. Selon l’analyse des données de la FAO par CO24 Actualités Mondiales, environ 828 millions de personnes sont maintenant confrontées à l’insécurité alimentaire – une augmentation de près de 150 millions depuis 2019. Les taux de malnutrition infantile ont augmenté dans 38 pays, inversant des décennies d’amélioration des indicateurs de nutrition infantile.
Les consommateurs canadiens n’ont pas été épargnés par ces tendances mondiales. Les données de Statistique Canada montrent que les prix alimentaires nationaux augmentent à un rythme environ deux fois supérieur à celui de l’inflation globale, créant une pression significative sur les budgets des ménages. Notre équipe de CO24 Affaires a rapporté que les familles canadiennes dépensent maintenant en moyenne 14,7% de plus pour l’épicerie par rapport à l’année dernière.
Le rapport de la FAO présente plusieurs interventions critiques nécessaires pour faire face à la crise, notamment l’aide alimentaire d’urgence, le soutien à l’adaptation agricole au changement climatique et une action internationale coordonnée pour protéger les populations vulnérables. L’organisation a appelé à une augmentation immédiate de 8,6 milliards de dollars du financement des initiatives de sécurité alimentaire ciblant les régions les plus touchées.
“La trajectoire actuelle est insoutenable,” avertit le Dr Torero. “Sans action mondiale décisive et coordonnée, nous prévoyons que les prix alimentaires continueront d’augmenter jusqu’en 2026, déclenchant potentiellement une instabilité sociale et politique généralisée.”
Alors que les dirigeants mondiaux se préparent pour le sommet du G20 le mois prochain à Jakarta, la question demeure: la communauté internationale mobilisera-t-elle la volonté politique et les ressources nécessaires pour faire face à cette crise croissante avant qu’elle ne spirale hors de contrôle?