Le grondement des moteurs diesel traversant la frontière canado-américaine a été étouffé par la dure réalité économique de la dernière salve tarifaire du président Donald Trump. Les fabricants canadiens de camions moyens et lourds font désormais face à un droit de douane punitif de 25% sur les exportations vers leur plus grand marché, envoyant des ondes de choc à travers une industrie qui expédie environ 3,7 milliards de dollars de camions aux États-Unis chaque année.
“Ce n’est pas juste un ralentisseur—c’est un barrage routier,” affirme Thomas Ferguson, PDG de Northern Fleet Manufacturing basé au Manitoba, qui tire 70% de ses revenus des ventes américaines. “Du jour au lendemain, nos produits sont devenus 25% plus chers sur notre marché principal. Les chiffres ne fonctionnent tout simplement plus.”
Les tarifs, mis en œuvre la semaine dernière en vertu de l’article 232 de la Loi sur l’expansion du commerce, ciblent les véhicules dont le poids brut dépasse 8 800 livres—une catégorie englobant tout, des fourgonnettes de livraison aux semi-remorques. Pour les fabricants canadiens, dont les chaînes de production sont profondément intégrées aux chaînes d’approvisionnement américaines, l’impact a été immédiat et grave.
Les données de l’industrie révèlent la vulnérabilité du secteur canadien de la fabrication de camions face à ces mesures. Selon les chiffres de Transports Canada, le marché américain représente près de 83% des exportations canadiennes de camions, avec plus de 41 000 unités traversant la frontière l’année dernière. Les usines canadiennes en Ontario et au Québec produisent des véhicules pour des grandes marques comme Freightliner, Kenworth et Peterbilt.
“Nous parlons d’emplois hautement qualifiés qui paient bien au-dessus de la moyenne nationale,” note Avery Chen, économiste principal à l’Association canadienne des constructeurs de véhicules. “Pour chaque poste sur la chaîne de montage, il y a environ sept emplois dans la chaîne d’approvisionnement. Les effets d’entraînement de ces tarifs se feront sentir bien au-delà du plancher de l’usine.”
Le gouvernement canadien a répondu par des promesses de soutien tout en poursuivant simultanément des voies diplomatiques et juridiques. La ministre du Commerce, Mary Ng, a qualifié les tarifs “d’injustifiés et nuisibles aux travailleurs des deux côtés de la frontière” tout en confirmant que le Canada explore d’éventuelles contestations auprès de l’Organisation mondiale du commerce.
Dans les usines du pays, la préoccupation immédiate est la survie. Les fabricants font face à des choix impossibles : absorber l’augmentation de 25% des coûts et fonctionner à perte, augmenter les prix et perdre des parts de marché, ou réduire drastiquement la production et la main-d’œuvre.
“Nous avons déjà dû suspendre nos plans d’expansion et nous révisons les niveaux de personnel,” dit Ferguson. “L’ironie cruelle est que beaucoup des composants que nous utilisons proviennent de fournisseurs américains. Ce tarif nuit également à leurs affaires.”
Les analystes de l’industrie soulignent un précédent inquiétant. Lorsque des tarifs similaires ont été brièvement imposés en 2018, les fabricants canadiens ont signalé des annulations de commandes en quelques jours. Cette fois, sans date de fin claire, les entreprises doivent planifier une perturbation prolongée du marché.
Le moment ne pourrait être pire pour le secteur. Après avoir navigué à travers les défis liés à la pandémie et la hausse des coûts des intrants, les fabricants commençaient tout juste à voir une stabilisation. Maintenant, certaines entreprises accélèrent leurs plans pour diversifier leurs marchés d’exportation, se tournant vers l’Europe et l’Australie comme alternatives potentielles.
“On ne peut pas remplacer le marché américain du jour au lendemain,” explique Chen. “La proximité, l’alignement réglementaire et la taille même rendent ce marché irremplaçable à court terme. Les entreprises devront trouver des solutions créatives juste pour survivre à cette tempête.”
Pour les communautés construites autour de la fabrication de camions, les enjeux sont particulièrement élevés. À Sainte-Thérèse, au Québec, où près de 1 200 travailleurs assemblent des camions moyens, l’écosystème économique s’étend à des centaines d’entreprises locales.
Pendant ce temps, les acheteurs américains de camions ressentent déjà la pression de la concurrence réduite et des prix plus élevés. Les exploitants de flottes qui dépendaient auparavant des véhicules construits au Canada signalent des retards de livraison et des augmentations de coûts qui seront inévitablement répercutées sur les consommateurs.
Même les véhicules spécialisés utilisés pour le transport d’équipements sportifs pourraient connaître d’importantes hausses de prix, ajoutant des coûts inattendus à tout, des ligues professionnelles aux équipes communautaires.
La route à venir reste incertaine. Les négociateurs canadiens continuent de faire pression pour des exemptions, soulignant la nature intégrée de la fabrication nord-américaine et les implications de sécurité liées à la perturbation des chaînes d’approvisionnement critiques. En attendant, les fabricants de camions et leurs employés se retrouvent pris dans le collimateur d’un différend commercial sans issue claire en vue.