La perturbation du travail de huit semaines qui a paralysé les opérations de Postes Canada l’automne dernier a infligé un coup stupéfiant de 208 millions de dollars aux finances déjà troublées de la société d’État, ont révélé les responsables mercredi. Ce coup substantiel a contribué de manière significative à la perte alarmante de 1,3 milliard de dollars de l’entreprise pour 2023, marquant l’une des années les plus financièrement dévastatrices de son histoire.
“L’arrêt de travail prolongé ne pouvait pas arriver à un pire moment pour Postes Canada”, a déclaré Doug Ettinger, président-directeur général, lors d’un sombre briefing financier à Ottawa. “Alors que nous naviguions déjà dans des conditions de marché difficiles, la grève a effectivement accéléré notre déclin financier en perturbant le service pendant la période cruciale précédant les fêtes.”
Le conflit de travail, qui a débuté en novembre et s’est prolongé durant la vitale période du Vendredi fou et du début des achats de Noël, a vu environ 55 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes quitter leur poste. Le moment de la grève s’est avéré particulièrement dommageable car il coïncidait avec le trimestre traditionnellement le plus rentable du service postal.
Les analystes financiers de la société d’État ont calculé que l’impact direct de la grève comprenait 165 millions de dollars de revenus perdus et 43 millions de dollars supplémentaires en coûts liés à l’arrêt de travail. Ces chiffres dressent un tableau préoccupant pour une organisation qui lutte déjà contre le changement fondamental des services postaux traditionnels.
“Le contexte financier plus large rend ces pertes encore plus inquiétantes”, a noté l’économiste financière Patricia Kwon, spécialiste de la performance des entreprises publiques. “Postes Canada a connu 13 années consécutives de baisse des volumes de courrier alors que la communication numérique continue de dominer, créant d’énormes défis structurels.”
En effet, le rapport financier a révélé que les volumes de courrier transactionnel ont chuté de 9,7% supplémentaires l’année dernière, poursuivant l’érosion constante de ce qui était autrefois l’activité principale de la société. Même avec des augmentations de prix, les revenus des services de courrier traditionnels ont chuté de 205 millions de dollars par rapport à 2022.
Le conflit de travail portait sur plusieurs questions litigieuses, notamment les salaires, les conditions de travail et la sécurité d’emploi à l’ère de l’automatisation. Bien que le syndicat ait obtenu certaines concessions dans l’accord final, les dirigeants de Postes Canada se demandent maintenant si l’organisation peut se permettre cette nouvelle entente compte tenu de sa trajectoire financière.
“Nous assistons à la collision de multiples forces”, a expliqué Margaret Williams, ancienne conseillère en politique postale auprès du gouvernement fédéral. “Postes Canada a pour mandat de fournir un service universel à tous les Canadiens tout en étant censée fonctionner comme une entité commerciale autonome. Cela devient de plus en plus difficile dans l’économie numérique d’aujourd’hui.”
La société a tenté de se tourner vers la livraison de colis pour compenser la baisse des volumes de courrier, mais la concurrence dans ce secteur reste féroce. Malgré la croissance du commerce électronique au Canada, Postes Canada a signalé que les volumes de colis ont en fait diminué de 6% l’année dernière, les revenus chutant de 238 millions de dollars par rapport à 2022.
Pour l’avenir, Postes Canada a annoncé des plans pour mettre en œuvre une “stratégie de transformation globale” qui comprendra d’importants changements opérationnels, des investissements technologiques et d’éventuels ajustements de service. Cependant, toute réforme structurelle majeure nécessiterait l’approbation du gouvernement fédéral, qui a historiquement été prudent concernant les changements qui pourraient réduire le service aux communautés rurales.
“Les réalités financières ne peuvent plus être ignorées”, a déclaré Ettinger. “Sans changements substantiels à notre modèle d’affaires et au cadre réglementaire, Postes Canada fait face à un avenir insoutenable.”
Alors que les Canadiens communiquent et magasinent de plus en plus en ligne, la question fondamentale émerge avec une nouvelle urgence : comment un service postal national construit pour le 20e siècle peut-il se réinventer pour l’ère numérique tout en maintenant son engagement à servir tous les Canadiens, peu importe où ils vivent?