Les profondes divisions régionales qui dominent les élections fédérales canadiennes depuis des décennies—souvent illustrées par des cartes montrant de vastes étendues de circonscriptions conservatrices formant un “mur bleu” dans l’ouest et des bastions libéraux constituant un “mur rouge” dans les centres urbains—pourraient bientôt devenir des reliques du passé si les défenseurs de la réforme électorale obtiennent gain de cause.
Des sondages récents suggèrent que près de 67% des Canadiens estiment que le système actuel uninominal à un tour ne représente pas adéquatement les divers intérêts régionaux du pays, créant des compositions parlementaires qui amplifient la polarisation géographique plutôt que de favoriser l’unité nationale.
“Quand on voit des résultats électoraux où un parti ne peut pratiquement gagner aucun siège dans des provinces entières malgré des pourcentages de vote significatifs, cela délégitimise notre démocratie aux yeux de nombreux citoyens,” explique Dr. Samantha Leung, politologue à l’Université de Toronto. “Les régions se sentent exclues du pouvoir non pas parce que les électeurs n’ont pas soutenu les partis au gouvernement, mais parce que notre système électoral écarte effectivement ces votes.”
Les distorsions mathématiques de notre système actuel sont devenues particulièrement évidentes lors de l’élection fédérale de 2021, où les Conservateurs ont remporté le vote populaire à l’échelle nationale mais ont obtenu moins de sièges que les Libéraux. En Alberta, les Conservateurs ont capté plus de 55% des votes mais remporté 93% des sièges, tandis que les électeurs libéraux—représentant près de 15% des Albertains—n’ont obtenu aucune représentation.
Le Comité parlementaire sur la réforme électorale a récemment relancé les discussions sur les alternatives potentielles, avec une attention particulière pour les systèmes de représentation proportionnelle. Sous de tels systèmes, utilisés dans des pays comme l’Allemagne et la Nouvelle-Zélande, les sièges parlementaires s’aligneraient davantage sur la part du vote populaire de chaque parti à travers les régions.
“La réforme électorale ne concerne pas uniquement l’équité envers les partis politiques,” note Claire Michaels, défenseure de la réforme chez Fair Vote Canada. “Il s’agit de s’assurer que les citoyens ne sentent pas que leurs votes sont gaspillés simplement parce qu’ils vivent dans une région dominée par un autre parti.”
Les critiques de la réforme soutiennent que les systèmes proportionnels pourraient affaiblir le lien direct entre les députés et les circonscriptions géographiques, compromettant potentiellement la responsabilisation. Cependant, des systèmes mixtes pourraient préserver la représentation locale tout en ajoutant des représentants élus proportionnellement pour équilibrer les disparités régionales.
L’abandon notoire par le premier ministre Trudeau de ses promesses de réforme électorale après sa victoire de 2015 continue de planer sur les discussions. Les analystes politiques suggèrent que la polarisation croissante a renouvelé l’urgence autour de cette question, particulièrement alors que les disparités économiques régionales alimentent le ressentiment envers le pouvoir centralisé à Ottawa.
“Quand l’Alberta ou la Saskatchewan sent qu’Ottawa ne les représente pas, ou quand les provinces atlantiques constatent une influence minimale au cabinet malgré un soutien libéral écrasant, cela alimente les sentiments séparatistes et mine la cohésion nationale,” observe le commentateur politique Jason Reeves, qui couvre régulièrement la politique canadienne pour les grands réseaux.
Les considérations économiques pèsent également lourd dans les discussions sur la réforme. Les régions dépendantes d’industries spécifiques ont souvent l’impression que les décisions politiques sont prises sans représentation adéquate de leurs intérêts économiques, créant une privation cyclique de droits que la réforme électorale pourrait résoudre.
Les audiences du comité parlementaire prévues pour cet automne exploreront divers modèles, notamment le vote préférentiel, les systèmes de vote unique transférable et la représentation proportionnelle mixte. Des consultations publiques dans toutes les provinces ont été annoncées, avec une attention particulière aux régions historiquement sous-représentées au gouvernement.
Alors que les Canadiens réfléchissent à l’avenir de leur démocratie, la question fondamentale demeure: la réforme électorale peut-elle combler les divisions régionales, ou les intérêts partisans bien établis préserveront-ils ultimement un système qui avantage les partis établis? Pour les citoyens qui observent depuis les provinces occidentales dépendantes des ressources ou les communautés de l’est économiquement en difficulté, la réponse pourrait déterminer s’ils se sentent véritablement représentés dans l’avenir démocratique du Canada.