Le spectre du protectionnisme économique plane à nouveau alors que le président élu Donald Trump a annoncé son intention d’imposer des tarifs substantiels sur une large gamme d’importations, ce qui pourrait porter un coup significatif aux exportateurs canadiens. Dans une déclaration politique qui fait écho à sa première administration, Trump a révélé son intention d’imposer des taxes sur les médicaments, les armoires de cuisine, les meubles et les camions lourds—des secteurs clés où les entreprises canadiennes ont établi de solides positions sur le marché américain.
“L’annonce des tarifs représente un développement préoccupant pour les fabricants canadiens qui dépendent fortement de l’accès aux marchés américains,” a déclaré Robert Kavcic, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. “Nous envisageons des perturbations potentielles dans plusieurs secteurs qui représentent collectivement des milliards en exportations annuelles.”
Les tarifs proposés, qui pourraient atteindre jusqu’à 25% sur certains produits, affecteraient particulièrement le cœur manufacturier du Canada en Ontario et au Québec, où la production de camions lourds et de meubles a traditionnellement été un pilier économique. Les données de Statistique Canada montrent que ces secteurs emploient plus de 120 000 Canadiens et ont généré environ 18 milliards de dollars d’exportations vers les États-Unis en 2023.
Les fabricants canadiens de meubles, qui fonctionnent déjà avec des marges minces face à une concurrence mondiale féroce, font face à des perspectives particulièrement difficiles. L’analyse de l’industrie suggère que les tarifs proposés pourraient effectivement exclure de nombreux producteurs canadiens du marché américain, entraînant potentiellement des fermetures d’usines et des pertes d’emplois dans les communautés où ces installations sont d’importants employeurs.
L’industrie pharmaceutique, l’un des secteurs d’exportation à la croissance la plus rapide du Canada avec plus de 14 milliards de dollars d’expéditions annuelles vers les États-Unis, se retrouve également dans la ligne de mire. L’Association pharmaceutique canadienne a exprimé une préoccupation immédiate, son président notant: “Ces tarifs menacent non seulement nos capacités d’exportation, mais potentiellement l’accessibilité des médicaments pour les consommateurs américains.”
La fabrication de camions lourds, concentrée dans le sud de l’Ontario, représente un autre secteur vulnérable. Avec des producteurs majeurs comme Paccar et Hino exploitant d’importantes installations au Canada spécifiquement pour desservir le marché nord-américain, les tarifs proposés pourraient forcer une restructuration opérationnelle et des déplacements potentiels de production vers des installations américaines.
Le gouvernement canadien a réagi avec prudence à l’annonce de Trump. La vice-première ministre Chrystia Freeland a publié une déclaration soulignant la nature intégrée des chaînes d’approvisionnement nord-américaines: “Notre relation économique ne concerne pas simplement le commerce—il s’agit de production partagée et de prospérité mutuelle. Les tarifs finissent par nuire aux consommateurs et aux entreprises des deux côtés de la frontière.”
Les analystes économiques ont calculé que les tarifs proposés pourraient potentiellement affecter jusqu’à 15% des exportations totales du Canada vers les États-Unis, représentant environ 65 milliards de dollars de commerce annuel. Les répercussions s’étendraient au-delà des exportateurs directs pour inclure des milliers de petits fournisseurs et prestataires de services dans toute l’économie canadienne.
Le moment de cette annonce a des implications particulièrement troublantes pour les fabricants canadiens qui ont récemment investi massivement dans leur capacité de production, répondant à la restructuration des chaînes d’approvisionnement post-pandémiques et aux opportunités présentées par l’accord commercial ACEUM. Beaucoup de ces investissements étaient fondés sur un accès continu sans tarifs au marché américain.
Alors que les deux pays se préparent à ce qui pourrait devenir une période difficile dans leurs relations commerciales bilatérales, la question demeure de savoir si des considérations économiques pragmatiques tempéreront finalement la mise en œuvre de ces mesures protectionnistes. Avec des chaînes d’approvisionnement intégrées qui se sont développées sur des décennies, l’une ou l’autre économie peut-elle vraiment se permettre les perturbations que des tarifs généralisés provoqueraient inévitablement?