Des fissures diplomatiques ont éclaté lors du sommet des ministres des Finances du G7 à Stresa, en Italie, ce week-end, alors que le spectre menaçant d’un retour au pouvoir de Donald Trump a provoqué des ondes de choc dans les discussions économiques mondiales. Les dirigeants financiers des économies les plus avancées du monde se sont retrouvés de plus en plus divisés sur la façon d’aborder la position commerciale agressive de l’ancien président et ses implications pour le commerce international.
Le sommet, qui sert traditionnellement de plateforme pour la coopération économique, a plutôt révélé une anxiété croissante lorsque la ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a directement contesté la stratégie américaine envers notre pays. “Soyons très clairs : le Canada n’est pas une menace pour la sécurité nationale des États-Unis,” a affirmé Freeland, répondant à la justification de l’ère Trump pour imposer des tarifs sur les produits canadiens.
Ses remarques pointues sont intervenues après que Scott Bessent, conseiller économique récemment nommé par Trump, ait signalé qu’une seconde administration Trump utiliserait les tarifs non seulement contre la Chine, mais potentiellement contre des alliés, dont le Canada et l’Union européenne. Cette position provocatrice menace de perturber des décennies de relations commerciales soigneusement construites entre les démocraties occidentales.
Le communiqué final des ministres des Finances du G7 a tenté de masquer ces divisions avec des déclarations vagues soutenant “le commerce libre et équitable” tout en reconnaissant la nécessité de “chaînes d’approvisionnement sécurisées”. Cependant, le langage diplomatique dissimulait à peine les désaccords fondamentaux qui ont émergé durant les trois jours de réunion au lac Majeur.
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, s’est retrouvée dans la position inconfortable de défendre les politiques commerciales de l’administration Biden tandis que ses homologues s’inquiétaient ouvertement d’un retour potentiel de Trump. “Nous reconnaissons que les alliés doivent travailler ensemble,” a déclaré Yellen, “mais chaque pays doit également protéger ses intérêts économiques.”
Les responsables européens ont exprimé une inquiétude particulière concernant la menace de Trump d’imposer des tarifs généralisés de 10%. Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a prévenu que de telles mesures déclencheraient “une dangereuse spirale de représailles” qui pourrait gravement endommager l’économie mondiale. “Nous ne pouvons pas nous permettre une autre guerre commerciale entre amis,” a-t-il souligné lors d’un panel de discussion.
Le sommet a exposé des tensions structurelles plus profondes concernant l’avenir du commerce mondial. Bien que tous les membres du G7 se soient verbalement engagés en faveur de marchés ouverts, chaque délégation est repartie avec des plans d’urgence pour un monde plus protectionniste. Des responsables canadiens ont indiqué en privé qu’ils développent des stratégies pour diversifier les relations commerciales au-delà de l’Amérique du Nord, tandis que les représentants français ont plaidé pour une plus grande “autonomie stratégique européenne” dans les industries clés.
À huis clos, les discussions ont porté sur la question de savoir si le système commercial multilatéral établi après la Seconde Guerre mondiale pourrait survivre à une autre présidence Trump. Selon des sources familières avec les pourparlers, le ministre japonais des Finances, Shunichi Suzuki, a exhorté ses homologues à renforcer l’Organisation mondiale du commerce comme rempart contre les actions unilatérales, mais n’a trouvé qu’un enthousiasme limité pour la réforme institutionnelle.
Les marchés financiers ont déjà commencé à intégrer cette incertitude, les cambistes signalant une volatilité accrue du dollar canadien et de l’euro suite aux commentaires de Bessent. “Les investisseurs se protègent contre la possibilité de nouvelles barrières commerciales,” a expliqué Helena Robertson, analyste chez Morgan Stanley. “Cela crée un cycle autorenforçant d’insécurité économique.”
Pour le Canada, les enjeux sont particulièrement élevés compte tenu de son intégration économique profonde avec les États-Unis. Près de 75% des exportations canadiennes sont destinées à notre voisin du sud, ce qui nous rend particulièrement vulnérables aux changements de politique commerciale américaine. Le langage inhabituellement direct de Freeland reflétait cette préoccupation existentielle.
Alors que les ministres quittaient le pittoresque site italien au bord du lac, la façade d’unité du G7 s’était clairement fissurée. Bien que la déclaration officielle ait mis l’accent sur “les valeurs partagées et les approches coopératives,” les conversations en coulisses ont révélé un groupe de nations qui se préparent activement à un conflit économique entre alliés.
Reste à voir si ces tensions diplomatiques se traduiront par des changements concrets de politique, ou si elles représentent simplement une posture en vue de l’élection présidentielle américaine de novembre. Quoi qu’il en soit, le paysage de la coopération économique internationale semble de plus en plus fragile. Dans un monde où même les alliés les plus proches se regardent avec méfiance, le système commercial mondial qui a sous-tendu des décennies de prospérité peut-il rester intact?