Les premiers résultats sont arrivés : la taxe novatrice sur le sucre de Terre-Neuve-et-Labrador semble accomplir précisément ce que les décideurs politiques espéraient. Une étude récemment publiée révèle que la première taxe canadienne sur les boissons sucrées de la province a entraîné une baisse significative de 21 pour cent des ventes de ces produits, marquant potentiellement un moment décisif dans la politique de santé publique canadienne.
L’analyse complète, menée par des chercheurs de l’Université Memorial et de l’Université de Toronto, a examiné les habitudes d’achat dans plus de 200 épiceries et dépanneurs de Terre-Neuve entre septembre 2022 et août 2023. Cette période a fourni aux chercheurs une année complète de données après la mise en œuvre de la taxe de 20 cents par litre sur les boissons sucrées.
“Les résultats ont dépassé nos projections initiales,” a déclaré Dre Sara Collins, chercheuse principale au Département de santé publique de l’Université Memorial. “Non seulement nous avons observé un déclin immédiat des achats suite à l’introduction de la taxe, mais la réduction est restée constante tout au long de la période d’étude, suggérant qu’il ne s’agit pas simplement d’une réaction temporaire.”
La taxe sur le sucre de la province, entrée en vigueur en septembre 2022, s’applique aux boissons contenant des sucres ajoutés, y compris les sodas, les boissons aux fruits, les boissons pour sportifs et les cafés sucrés. Les jus de fruits purs et les boissons diététiques sont exemptés de la taxe, qui a été spécifiquement conçue pour répondre aux statistiques préoccupantes de santé à Terre-Neuve.
Avant la taxe, Terre-Neuve-et-Labrador avait les taux d’obésité et de diabète les plus élevés au Canada, avec près de 40 pour cent des adultes classés comme obèses et des taux de diabète approchant le double de la moyenne nationale. Ces indicateurs de santé inquiétants ont poussé le gouvernement provincial à prendre des mesures sans précédent.
“Nous observons les changements les plus prononcés chez les jeunes consommateurs et les familles avec enfants,” a noté Dr Michael Patel de l’École de santé publique de l’Université de Toronto, qui a co-écrit l’étude. “Ce changement démographique est particulièrement encourageant car il suggère le potentiel d’améliorations à long terme des résultats de santé.”
L’étude a également suivi ce que les consommateurs ont acheté à la place des boissons sucrées. Les ventes d’eau embouteillée ont augmenté de 17 pour cent, tandis que les achats de boissons artificiellement édulcorées ont augmenté de 8 pour cent. Cet effet de substitution suggère que les consommateurs n’absorbent pas simplement les prix plus élevés mais changent activement leurs comportements d’achat.
À travers le Canada, les défenseurs de la santé publique suivent attentivement ces résultats. Plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique et le Québec, ont exprimé leur intérêt à mettre en œuvre des mesures similaires, tandis que les responsables fédéraux de la santé ont indiqué que ces résultats pourraient éclairer les discussions nationales sur la politique nutritionnelle.
L’industrie des boissons a réagi de façon prévisible, l’Association canadienne des boissons publiant une déclaration remettant en question la méthodologie de l’étude et suggérant que la taxe cible injustement une catégorie de produits tout en ignorant d’autres sources de sucre alimentaire. Les représentants de l’industrie soutiennent que les programmes éducatifs, plutôt que la taxation, représentent l’approche la plus efficace pour améliorer les choix nutritionnels.
Cependant, les économistes de la santé soulignent les preuves croissantes provenant de juridictions du monde entier qui ont mis en œuvre des taxes similaires. Le Mexique, qui a introduit une taxe sur le sucre en 2014, a documenté des réductions durables de la consommation de boissons sucrées, particulièrement parmi les populations à faible revenu qui connaissent des taux d’obésité et de diabète disproportionnellement élevés.
“Ce qui est particulièrement convaincant dans les résultats de Terre-Neuve, c’est la façon dont ils s’alignent avec les tendances mondiales tout en reflétant les habitudes spécifiques des consommateurs canadiens,” a expliqué Dre Jennifer Walsh, analyste de politique de santé à l’Université Dalhousie qui n’était pas impliquée dans l’étude. “Cela nous donne des informations précieuses sur la façon dont de telles mesures pourraient fonctionner dans différentes juridictions canadiennes.”
Le gouvernement provincial estime que la taxe générera environ 9 millions de dollars annuellement, des revenus spécifiquement destinés aux programmes de bien-être communautaire, y compris des initiatives ciblant la prévention de l’obésité infantile et du diabète. Cette approche reflète des modèles réussis d’autres juridictions où les recettes fiscales soutiennent l’infrastructure de santé publique.
Bien qu’une année de données fournisse une forte indication initiale de l’efficacité de la taxe, les chercheurs soulignent l’importance des études longitudinales pour déterminer si ces changements comportementaux se traduisent par des améliorations mesurables de la santé. L’équipe de recherche prévoit de continuer à surveiller les habitudes de consommation tout en élargissant leur analyse pour inclure des indicateurs de santé comme les taux d’obésité et les diagnostics de diabète.
Alors que les provinces à travers le Canada sont aux prises avec l’augmentation des coûts de soins de santé et des tendances préoccupantes en matière de santé publique, l’expérience de la taxe sur le sucre de Terre-Neuve offre une feuille de route potentielle pour l’innovation politique. La question cruciale devient maintenant : d’autres juridictions canadiennes suivront-elles l’exemple de Terre-Neuve, ou cette approche pionnière restera-t-elle une expérience isolée pour s’attaquer à l’un de nos défis les plus pressants en matière de santé publique?