Dans une évolution favorable pour les ménages canadiens, le taux d’inflation national est demeuré stable à 1,7 % en mai, marquant ainsi le troisième mois consécutif de stabilité des prix à la consommation. Les données, publiées mardi par Statistique Canada, suggèrent que l’approche agressive de la politique monétaire de la Banque du Canada a largement réussi à maîtriser l’inflation sans déclencher la contraction économique que redoutaient de nombreux économistes.
Derrière cette stabilité se cache un refroidissement notable des coûts de logement, particulièrement des prix de location, qui ont été un moteur persistant de l’inflation au cours des trois dernières années. Les augmentations de loyer ont ralenti à 4,3 % sur douze mois en mai, contre 5,1 % en avril, ce qui représente la décélération la plus importante de l’inflation locative depuis le début de 2023.
“Nous constatons enfin un soulagement significatif sur le marché locatif,” a déclaré Dominique LeBlanc, économiste en chef à la Banque Toronto Dominion. “La combinaison d’une offre accrue de logements et des effets différés des taux d’intérêt plus élevés a créé des conditions favorables à la modération des prix de location qui n’existaient tout simplement pas il y a un an.”
La modération des coûts de logement arrive comme une nouvelle particulièrement bonne pour les ménages canadiens qui avaient été pressés par la double pression des dépenses élevées de logement et des taux d’intérêt élevés. Selon les données de Statistique Canada, les coûts de logement représentent maintenant environ 31 % du budget moyen des ménages canadiens, contre 27 % en 2019.
Les prix des aliments, autre préoccupation importante pour les consommateurs, ont augmenté de 2,1 % par rapport à mai 2024, ce qui représente une légère hausse par rapport aux 1,9 % enregistrés en avril. Cependant, ce chiffre reste bien en-dessous des pics de plus de 10 % observés en 2022 et au début de 2023.
“Le portrait de l’inflation alimentaire est complexe,” explique Marie Anderson, économiste principale chez RBC Économie. “Alors que nous observons des augmentations de prix plus modérées pour les produits de base comme le pain et les produits laitiers, les produits frais restent volatils en raison des défis d’approvisionnement liés aux conditions météorologiques dans les principales régions productrices.”
Les coûts énergétiques ont poursuivi leur tendance récente à soulager les consommateurs, avec des prix de l’essence en baisse de 2,3 % sur douze mois, malgré les récentes tensions au Moyen-Orient. Les prix du gaz naturel ont également diminué de 1,7 %, contribuant à compenser les augmentations dans d’autres catégories.
La Banque du Canada, qui vise une inflation de 2 %, a maintenu son taux directeur à 3,25 % depuis janvier 2025, après une série de réductions depuis le sommet de 5 % atteint en 2023. Avec une inflation désormais constamment inférieure à l’objectif, les marchés prévoient une forte probabilité d’une autre réduction d’un quart de point lors de la réunion de juillet de la banque centrale.
“La Banque a réussi ce que beaucoup pensaient impossible – un atterrissage en douceur,” note l’analyste financier Guillaume Chen de la Banque Nationale. “Ils ont ramené l’inflation à l’objectif sans déclencher de chômage massif ni de correction sévère du marché immobilier.”
Les mesures d’inflation fondamentale, qui excluent les éléments volatils et sont suivies de près par la Banque du Canada, ont montré des tendances mitigées. L’IPC-tronqué s’est établi à 1,8 %, tandis que l’IPC-médian s’est établi à 1,9 %, tous deux légèrement inférieurs à l’objectif de la banque centrale.
Les variations régionales restent significatives, l’Alberta affichant le taux d’inflation provincial le plus bas à 1,3 %, probablement influencé par les mesures d’allègement de la taxe provinciale sur les carburants. Pendant ce temps, la Colombie-Britannique a enregistré le taux le plus élevé à 2,1 %, principalement en raison des pressions persistantes sur le logement à Vancouver et Victoria.
Les données ont également révélé que l’inflation des services continue de dépasser l’inflation des biens, une tendance qui, selon les experts économiques, reflète la tension persistante du marché du travail dans les secteurs des services.
Pour les Canadiens ordinaires, le rapport sur l’inflation offre de véritables raisons d’être optimistes. Après des années à voir les prix augmenter plus rapidement que les salaires, le pouvoir d’achat semble se rétablir progressivement. Les salaires horaires moyens ont augmenté de 3,6 % en mai, selon des données distinctes de Statistique Canada, dépassant l’inflation de près de deux points de pourcentage.
Alors que l’économie canadienne navigue dans cette nouvelle phase de stabilité des prix, la question demeure : les décideurs politiques pourront-ils maintenir cet équilibre délicat, ou de nouvelles pressions inflationnistes émergeront-elles à mesure que les taux d’intérêt poursuivront leur descente graduelle? Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si l’histoire de l’inflation du Canada représente vraiment une victoire durable ou simplement un répit temporaire.