Dans un rassemblement sans précédent qui marque un nouveau chapitre dans l’autodétermination autochtone, plus de 250 leaders des Premières Nations se sont réunis hier à Winnipeg pour l’important Sommet sur l’infrastructure des Premières Nations 2025. Cette conférence de trois jours, organisée au Centre des congrès RBC, représente la plus grande assemblée de leaders autochtones spécifiquement consacrée au développement d’infrastructures à travers le Canada de l’histoire récente.
“Il ne s’agit pas seulement de construire des routes et des ponts,” a déclaré la Chef nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse, dans son discours d’ouverture. “Il s’agit de reconstruire des nations, de reconquérir la souveraineté économique et de créer des avenirs durables pour les générations futures.”
Le sommet arrive à un moment critique où les communautés des Premières Nations à travers le pays font face à un déficit d’infrastructure estimé à 30 milliards de dollars, selon les récentes évaluations fédérales. Des décennies de sous-financement chronique ont laissé de nombreuses communautés avec des logements inadéquats, un accès limité à l’eau potable et des réseaux de transport insuffisants.
Le Chef Darrell Boissoneau de la Première Nation de Garden River a souligné le potentiel transformateur des projets d’infrastructure dirigés par les Autochtones. “Lorsque nous contrôlons notre propre développement, nous nous assurons qu’il s’aligne avec nos valeurs et nos priorités,” a-t-il déclaré aux participants lors de la session matinale. “L’infrastructure n’est pas seulement du béton et de l’acier—c’est la manifestation physique de notre autonomie gouvernementale.”
L’ordre du jour de la conférence révèle une portée ambitieuse, couvrant tout, des projets d’énergie renouvelable à la connectivité à large bande, en passant par les initiatives de logement et les installations de traitement des eaux. Plusieurs sessions se concentrent notamment sur des modèles de financement innovants qui combinent le financement gouvernemental traditionnel avec des partenariats du secteur privé et des pools de capitaux appartenant aux Autochtones.
La ministre fédérale des Services aux Autochtones, Patricia Hajdu, s’est adressée à l’assemblée pour annoncer un nouveau Fonds d’infrastructure autochtone de 500 millions de dollars destiné à accélérer les projets prioritaires. “Cela représente un changement fondamental dans notre approche de ces partenariats,” a affirmé Hajdu. “Les Premières Nations doivent être décisionnaires, pas seulement consultées.”
Le sommet a également attiré un intérêt considérable des entreprises, avec la participation des grandes banques canadiennes, des firmes d’ingénierie et des entreprises de construction aux tables rondes. Les représentants de l’industrie explorent de nouveaux modèles de réconciliation économique à travers des partenariats équitables.
Le Grand Chef Garrison Settee de Manitoba Keewatinowi Okimakanak a souligné l’importance des connaissances traditionnelles dans la planification des infrastructures modernes. “Nos ancêtres comprenaient le développement durable bien avant que cela ne devienne un mot à la mode,” a expliqué Settee. “Lorsque nous intégrons les systèmes de connaissances autochtones dans la conception des infrastructures, nous créons des communautés plus résilientes.”
Selon l’analyse de CO24 Affaires, l’impact économique de la résolution des besoins en infrastructure des Premières Nations pourrait générer jusqu’à 50 000 emplois et ajouter des milliards au PIB du Canada au cours de la prochaine décennie. Ces investissements représentent une opportunité significative tant pour le développement économique autochtone que pour la croissance nationale.
Le sommet aborde également des préoccupations environnementales pressantes. Les sessions sur les infrastructures résilientes au climat reflètent l’impact disproportionné que le changement climatique a sur de nombreuses communautés autochtones du Nord et des côtes. La Chef Crystal Smith de la Nation Haisla a partagé l’expérience de sa communauté dans le développement du projet Cedar LNG, la première installation GNL à majorité autochtone au Canada.
“Nous démontrons que le développement économique et la gérance environnementale peuvent aller de pair,” a déclaré Smith. “Les Premières Nations sont particulièrement bien placées pour mener la transition du Canada vers une économie plus durable.”
Le rassemblement de Winnipeg se déroule dans un contexte d’élan politique croissant pour la reconnaissance des droits autochtones. Plusieurs premiers ministres provinciaux ont envoyé des représentants, reconnaissant l’importance critique des partenariats d’infrastructure avec les Premières Nations.
Le sommet se conclura par une déclaration formelle définissant les priorités partagées et établissant un Consortium permanent d’infrastructure des Premières Nations pour coordonner les investissements continus et le partage des connaissances.
Alors que ces leaders travaillent à combler des décennies d’écarts en matière d’infrastructure, une question plus large se pose : ce sommet historique catalysera-t-il enfin les changements systémiques nécessaires pour que les Premières Nations atteignent une véritable souveraineté en matière d’infrastructure, ou deviendra-t-il un autre chapitre de promesses non tenues dans la relation complexe du Canada avec les peuples autochtones?