À une époque où les systèmes de santé du monde entier font face à des défis sans précédent, la direction de l’autorité sanitaire de la Nouvelle-Écosse lance un appel audacieux à la transformation technologique. Paula Bond, PDG intérimaire de Santé Nouvelle-Écosse, a identifié l’intelligence artificielle comme un élément essentiel pour résoudre la crise de santé de la province, particulièrement la pénurie inquiétante de médecins et les inefficacités des services d’urgence.
“Nous sommes à un carrefour où les approches traditionnelles seules ne peuvent pas résoudre nos problèmes de prestation de soins de santé,” a déclaré Bond lors d’une récente allocution aux responsables provinciaux de la santé. “L’intelligence artificielle offre des solutions qui pourraient fondamentalement changer notre façon de planifier les ressources, de prévoir les besoins des patients et de gérer nos services d’urgence surchargés.”
La situation des soins de santé en Nouvelle-Écosse a atteint des niveaux préoccupants, avec environ 130 000 résidents n’ayant pas accès à un médecin de famille selon le registre provincial des besoins en médecine familiale. Les services d’urgence fonctionnent régulièrement au-delà de leur capacité, avec des temps d’attente à l’Infirmerie d’Halifax dépassant fréquemment les normes nationales.
La vision de Bond va au-delà de la simple automatisation. Elle envisage des systèmes d’IA qui pourraient analyser les modèles de flux de patients, prédire les périodes de pointe et optimiser l’allocation du personnel dans l’ensemble du réseau d’établissements de santé de la province. “Lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre, ces technologies pourraient réduire jusqu’à 30 % la charge administrative des professionnels de la santé, leur permettant de se concentrer sur ce qu’ils font le mieux : fournir des soins aux patients,” a-t-elle expliqué.
Les experts en technologie de la santé soutiennent largement cette orientation. Dr. Michael Thompson, spécialiste de la santé numérique à l’Université Dalhousie, note que “l’implantation de l’IA dans les soins de santé ne concerne pas seulement l’efficacité, mais aussi la création d’environnements de soins plus humains où patients et prestataires connaissent moins de frustration et de meilleurs résultats.”
Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’une initiative de transformation numérique plus large du système de santé de la Nouvelle-Écosse, qui comprend la mise à jour des dossiers de santé électroniques et l’expansion des options de soins virtuels. Bond a indiqué que les premiers projets d’IA se concentreraient sur des applications non cliniques comme la planification des ressources et la gestion du flux de patients avant de potentiellement s’étendre aux outils d’aide au diagnostic.
Les critiques soulèvent toutefois d’importantes préoccupations concernant la confidentialité, les biais algorithmiques et l’investissement substantiel requis. Susan Richards, défenseure des soins de santé, se demande si “les millions nécessaires pour l’implantation de l’IA ne seraient pas mieux dirigés vers des initiatives d’embauche immédiates et des primes de rétention pour les médecins ruraux.”
L’Association médicale de la Nouvelle-Écosse a exprimé un optimisme prudent, son président, Dr. James Morgan, déclarant que “la technologie doit servir de complément, et non de remplacement, pour aborder les problèmes fondamentaux du système de santé comme la rémunération, l’équilibre travail-vie personnelle et la surcharge administrative des médecins.”
Bond a demandé une proposition complète à l’équipe de santé numérique de la province, avec des programmes pilotes initiaux potentiellement lancés au cours du prochain exercice financier. L’autorité sanitaire estime que la mise en œuvre complète pourrait nécessiter un investissement initial de 15 à 20 millions de dollars, mais pourrait faire économiser au système 30 à 40 millions de dollars par an dans les trois ans.
Alors que la Nouvelle-Écosse contemple ce virage technologique dans la prestation des soins de santé, la question fondamentale demeure : l’intelligence artificielle peut-elle vraiment aider à résoudre une crise de santé qui se prépare depuis des décennies, ou représente-t-elle une distraction technologique face aux défis structurels plus profonds du système?