Dans un contexte où l’incertitude politique assombrit les prévisions économiques, l’économiste en chef de la Banque de Montréal appelle à une plus grande transparence concernant les plans de dépenses en infrastructure à travers le Canada. Lors d’un forum économique à Toronto hier, Douglas Porter a souligné que des milliards d’investissements potentiels restent en attente pendant que les entreprises guettent des signaux clairs de la part des autorités provinciales et fédérales.
“Le climat d’investissement au Canada fait face à une tempête parfaite d’hésitation,” a déclaré Porter lors de son discours d’ouverture. “Nous constatons des capitaux mis en veilleuse à des niveaux sans précédent, tandis que les besoins en infrastructure publique deviennent plus urgents chaque trimestre.”
La dernière analyse économique de BMO révèle que les investissements en infrastructure ont diminué de 3,2% sur un an, malgré des demandes croissantes dans les secteurs des transports, de l’énergie et du numérique. Ce ralentissement survient à un moment critique où les concurrents internationaux intensifient leurs dépenses pour moderniser leurs fondations économiques.
Les recherches de la banque identifient trois secteurs clés où la clarté pourrait débloquer des investissements considérables: l’infrastructure d’énergie renouvelable (4,2 milliards de dollars en projets en attente), les réseaux de transport (7,8 milliards de dollars) et l’expansion des télécommunications (2,3 milliards de dollars). Ces projets représentent collectivement environ 85 000 emplois potentiels et des multiplicateurs économiques à long terme qui pourraient stimuler les économies régionales.
“Ce que nous entendons de nos clients institutionnels n’est pas nécessairement une opposition aux politiques gouvernementales,” a expliqué Porter. “C’est l’incertitude quant à l’orientation de ces politiques qui paralyse la prise de décision.”
Les dirigeants provinciaux ont répondu avec des signaux mitigés. Le premier ministre ontarien Doug Ford a mis en avant des plans visant à accélérer les projets d’infrastructure grâce à de nouveaux modèles de partenariat public-privé, tandis que le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis l’accent sur les exigences d’évaluation environnementale que certains dirigeants de l’industrie prétendent prolonger les délais de façon imprévisible.
L’écart d’infrastructure entre le Canada et ses partenaires commerciaux continue de s’élargir. Les États-Unis ont récemment mis en œuvre leur programme d’infrastructure de 1,2 billion de dollars avec des allocations sectorielles claires, tandis que les initiatives de la Banque de l’infrastructure du Canada ont donné des résultats mitigés depuis leur création.
Les experts de l’industrie présents au forum ont fait écho aux préoccupations de BMO. “Nous avons des capitaux prêts à être déployés, mais les délais réglementaires et les changements de politique créent des risques de calcul de plus en plus difficiles à justifier auprès des conseils d’administration internationaux,” a déclaré Sarah Westbrook, PDG de PanCanadian Developers, une importante société d’investissement en infrastructure.
La modélisation économique de BMO suggère que la résolution de cette incertitude politique pourrait débloquer jusqu’à 18 milliards de dollars d’investissements en infrastructure actuellement bloqués au cours des 36 prochains mois, ajoutant potentiellement 0,4% à la croissance annuelle du PIB du Canada.
Pour les Canadiens ordinaires, l’impact de cette hésitation en matière d’infrastructure se manifeste de façon pratique: retards dans les expansions du transport en commun, modernisation reportée du réseau énergétique et déploiement plus lent de la large bande dans les communautés mal desservies.
Les décideurs canadiens fourniront-ils la clarté que les investisseurs réclament, ou le modèle actuel de développement d’infrastructure retardé continuera-t-il à entraver le potentiel économique? Comme Porter l’a conclu dans ses remarques, “La question n’est pas de savoir si le Canada a besoin d’investissements en infrastructure – c’est de savoir si nous pouvons créer les conditions où ces investissements se sentent suffisamment sécurisés pour affluer.”
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