L’éclat de la renaissance canadienne des énergies propres s’est quelque peu terni en 2025, les chiffres d’investissement révélant un ralentissement prononcé au cours des deux premiers trimestres. Après avoir atteint des sommets records de 28,6 milliards de dollars en 2024, les flux de capitaux dans l’énergie propre ont diminué de 17 % par rapport à l’année précédente—un développement préoccupant pour un secteur auparavant célébré comme la pierre angulaire de l’avenir économique du Canada.
“Nous assistons à un recalibrage plutôt qu’à un effondrement,” explique Dre Elaine Westbrook, économiste en chef à l’Institut climatique du Canada. “Les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, l’incertitude réglementaire et la hausse des coûts d’emprunt ont créé une tempête parfaite d’hésitation chez les investisseurs qui se précipitaient auparavant dans le secteur.”
Le ralentissement est particulièrement évident dans les grands projets solaires et éoliens en Alberta et en Saskatchewan, où plusieurs développements de plusieurs milliards de dollars ont été mis en attente indéfiniment. Pendant ce temps, l’ambitieux programme de petits réacteurs modulaires de l’Ontario a connu des retards répétés en raison de coûts croissants et de défis techniques.
Selon les données d’Énergie propre Canada, l’investissement dans les installations de fabrication de batteries s’est avéré plus résilient, l’usine Stellantis-LG de 4,3 milliards de dollars à Windsor maintenant son calendrier de construction malgré les vents économiques contraires. Ce point positif suggère que certains segments de l’écosystème des énergies propres restent attractifs même en période d’incertitude générale.
Les analystes de l’industrie évoquent plusieurs facteurs expliquant ce recul des investissements. Le recalibrage des incitatifs fiscaux par le gouvernement fédéral dans le cadre de l’ajustement budgétaire 2025 a créé une confusion temporaire chez les investisseurs institutionnels. De plus, les changements de politique en Alberta suite au changement de gouvernement l’année dernière ont introduit une incertitude réglementaire qui a dissuadé le déploiement de capitaux.
“Le défi le plus important a été la stabilité des taux d’intérêt à des niveaux plus élevés,” note Trevor Williams, directeur général chez RBC Marchés des Capitaux. “Lorsque les projets d’énergie propre sont en concurrence avec des obligations gouvernementales à 5,2 %, leurs rendements ajustés au risque deviennent moins attrayants, particulièrement pour les fonds de pension et les investisseurs institutionnels qui constituent l’épine dorsale du financement des énergies propres au Canada.”
Néanmoins, les indicateurs avancés suggèrent un rebond potentiel au second semestre 2025. Le programme d’incitatifs élargi du gouvernement fédéral annoncé le mois dernier devrait catalyser de nouveaux investissements, particulièrement dans l’extraction et le traitement des minéraux critiques—composants essentiels de la chaîne d’approvisionnement des énergies propres.
Plusieurs grandes institutions financières canadiennes ont récemment annoncé des fonds d’investissement dédiés aux énergies propres, notamment l’initiative “NextGen Energy” de 3,7 milliards de dollars de la Banque TD et le “Fonds d’innovation climatique” de 2,9 milliards de dollars de la CIBC. Ces développements suggèrent que les sources de capitaux domestiques se préparent à combler les lacunes laissées par des investisseurs internationaux plus hésitants.
“Nous assistons en réalité à une saine maturation du marché,” explique Maria Chen, directrice du financement durable à la Banque Toronto-Dominion. “La spéculation excessive se refroidit, mais les investisseurs sérieux à long terme se positionnent stratégiquement. Cela signifie probablement moins de projets, mais des initiatives plus importantes et plus viables à l’avenir.”
Le ralentissement des investissements a suscité un débat politique intense à Ottawa. Les critiques de l’opposition se sont emparés de ces chiffres pour remettre en question la stratégie climatique du gouvernement, tandis que les ministres ont souligné la nature mondiale des défis d’investissement actuels, pointant des tendances similaires dans l’ensemble des pays du G7.
L’emploi dans le secteur canadien des énergies propres est resté étonnamment robuste malgré le ralentissement des investissements, augmentant de 3,2 % cette année selon la dernière enquête sur la population active de Statistique Canada. Cela suggère que les projets existants continuent de générer des emplois même si les nouveaux engagements de capitaux ont temporairement ralenti.
Pour l’avenir, les analystes de Bloomberg New Energy Finance prévoient que l’investissement canadien dans les énergies propres rebondira à environ 24 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année 2025—en dessous du pic de l’année dernière, mais représentant tout de même le deuxième total annuel le plus élevé de l’histoire canadienne.
Pour les communautés canadiennes qui comptent sur les transitions vers l’énergie propre pour revitaliser les économies locales, cette pause dans les investissements a créé une anxiété palpable. Dans le comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse, où un important projet éolien offshore a été retardé, les dirigeants municipaux demandent l’intervention fédérale pour restaurer la confiance des investisseurs.
“Nous avons besoin de certitude avant tout,” déclare Amanda Thorn, mairesse de New Glasgow. “Notre communauté planifie autour de ces projets depuis des années. La nature intermittente des investissements crée d’énormes défis pour le développement de la main-d’œuvre et la planification économique.”
Alors que le financement climatique mondial continue d’évoluer rapidement, comment le Canada maintiendra-t-il sa position concurrentielle pour attirer des capitaux dans les énergies propres tout en naviguant dans ces nouvelles réalités économiques?