Un moment décisif s’est déroulé jeudi dans un tribunal de London, en Ontario, lorsque le juge Bruce Thomas a statué que les jurés n’entendront pas les preuves concernant les antécédents sexuels de la plaignante dans le procès très médiatisé impliquant Alex Formenton, ancien choix de premier tour de la LNH, et quatre autres anciens joueurs de hockey junior.
Cette décision marque un développement crucial dans l’affaire contre Formenton, Carter Hart, Michael McLeod, Dillon Dubé et Cal Foote, qui font face à des accusations d’agression sexuelle découlant d’un incident présumé dans un hôtel de London après un gala de Hockey Canada en juin 2018. Les cinq accusés ont plaidé non coupable.
“Dans les procès pour agression sexuelle, les comportements sexuels antérieurs de la plaignante sont généralement inadmissibles pour appuyer des inférences sur le consentement ou la crédibilité,” a fermement déclaré le juge Thomas dans sa décision, renforçant les protections établies par l’article 276 du Code criminel, communément appelé disposition “bouclier anti-viol”.
Cette décision est intervenue après que les avocats de la défense ont déposé des requêtes visant à introduire des preuves concernant les antécédents sexuels de la plaignante, soutenant que cela était pertinent pour leur cause. Cependant, la poursuite a réussi à contrer cet argument en soulignant que de telles preuves perpétueraient des mythes et stéréotypes préjudiciables sur les victimes d’agression sexuelle.
Les experts juridiques qui suivent l’affaire notent que la loi sur le bouclier anti-viol remplit une fonction cruciale dans le système judiciaire. “Ces dispositions existent pour empêcher que les antécédents sexuels d’une plaignante soient utilisés pour suggérer qu’elle était plus susceptible d’avoir consenti ou qu’elle est moins crédible,” explique Marilyn Foster, avocate criminaliste basée à Toronto, qui n’est pas impliquée dans l’affaire.
Le procès attire une attention nationale intense depuis son début, mettant en lumière les tensions entre la protection des droits des plaignantes dans les affaires d’agression sexuelle et la garantie d’un procès équitable pour les accusés. Les cinq anciens joueurs de hockey ont été inculpés en janvier 2024 après une longue enquête sur des allégations qui ont refait surface lorsque la plaignante a intenté un procès contre Hockey Canada en 2022.
Hockey Canada a fait face à de sévères critiques publiques et a perdu son financement fédéral après qu’il a été révélé que l’organisation avait réglé le procès en utilisant un fonds spécial partiellement maintenu grâce aux frais d’inscription. Le scandale a provoqué d’importants changements de direction au sein de l’organisation et a suscité des discussions nationales sur la responsabilité dans le sport.
Le procès continue de naviguer sur un terrain juridique complexe, équilibrant les normes de preuve avec l’évolution de la compréhension sociétale de l’agression sexuelle. Les procédures judiciaires ont révélé que la plaignante allègue avoir rencontré l’un des joueurs dans un bar après l’événement de Hockey Canada et s’être ensuite rendue dans une chambre d’hôtel où l’agression présumée par plusieurs joueurs aurait eu lieu.
“Ce qui rend cette affaire particulièrement significative est la façon dont elle croise les questions de pouvoir, de célébrité et de responsabilité dans le sport professionnel,” note Dr Elena Michaels, professeure de sociologie du sport à l’Université de Toronto. “La gestion des preuves par le tribunal sera étroitement scrutée pour ses implications plus larges sur les cas d’agression sexuelle impliquant des personnalités connues.”
Alors que le procès se poursuit, il continue de soulever d’importantes questions sur la façon dont notre système judiciaire traite les allégations d’agression sexuelle, particulièrement dans les cas impliquant des athlètes de premier plan. Cette affaire changera-t-elle finalement la façon dont les organisations sportives abordent la responsabilité et la conduite des joueurs, ou renforcera-t-elle simplement les dynamiques de pouvoir existantes dans le sport professionnel?