Face à l’escalade des tensions mondiales, le Canada a adopté une approche non conventionnelle pour atteindre les objectifs de dépenses de défense de l’OTAN. Alors que les dépenses militaires traditionnelles demeurent sous le seuil de 2% du PIB fixé par l’alliance, Ottawa fait valoir que les investissements en infrastructure devraient être comptabilisés dans ses contributions à la défense—une position qui suscite à la fois soutien et scepticisme parmi les membres de l’alliance.
“L’infrastructure constitue l’épine dorsale de toute stratégie de défense efficace,” a déclaré le premier ministre Justin Trudeau lors du sommet de l’OTAN à Washington la semaine dernière. “Les routes, les ports et les systèmes énergétiques capables de résister aux menaces sont tout aussi cruciaux que les chars et les avions dans l’environnement sécuritaire actuel.” Cette affirmation survient alors que le Canada fait face à une pression croissante pour augmenter ses dépenses militaires, qui se situent actuellement à environ 1,33% du PIB—bien en deçà de l’objectif convenu par l’OTAN.
Le gouvernement canadien a proposé que les milliards alloués aux projets d’infrastructure critiques—particulièrement ceux dans l’Arctique et le long des corridors de transport clés—soient reconnus comme des dépenses de défense légitimes. Ces investissements comprennent des ports nordiques renforcés, des réseaux ferroviaires modernisés capables de déplacer rapidement l’équipement militaire, et des systèmes de télécommunications robustes conçus pour résister aux cyberattaques.
Le ministre de la Défense Bill Blair a souligné que ces développements d’infrastructure servent des fins à la fois civiles et militaires. “Quand nous renforçons un pont pour supporter des véhicules plus lourds, ce n’est pas seulement pour le transport commercial—c’est pour garantir que notre armée puisse déplacer de l’équipement lourd au besoin,” a expliqué Blair lors de discussions parlementaires sur la politique de défense. “Cette approche à double usage maximise chaque dollar tout en améliorant nos capacités économiques et sécuritaires.”
Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a reconnu le bien-fondé de l’argument du Canada, mais maintient que la principale mesure de l’alliance demeure les dépenses militaires directes. “Bien qu’une infrastructure résiliente contribue sans doute à la sécurité collective, nous devons nous assurer que tous les alliés partagent équitablement le fardeau des capacités de défense conventionnelles,” a noté Stoltenberg lors d’une conférence de presse suivant des entretiens bilatéraux avec des responsables canadiens.
Les analystes militaires soulignent que cette approche n’est pas sans précédent. Plusieurs membres de l’OTAN, dont la Norvège et l’Islande, ont déjà incorporé l’infrastructure à double usage civil-militaire dans leur comptabilité de défense. Dr. Margaret Wilson, spécialiste en économie de défense à l’Institut canadien d’études stratégiques, explique: “La ligne entre infrastructure purement civile et purement militaire a toujours été quelque peu arbitraire. Ce qui importe, c’est si ces investissements améliorent véritablement les capacités défensives et l’état de préparation opérationnelle.“
Le débat reflète des questions plus larges sur la façon dont les défis sécuritaires modernes devraient remodeler les définitions traditionnelles des dépenses de défense. Avec la guerre hybride et les opérations en zone grise devenant de plus en plus courantes, une infrastructure résiliente représente une composante critique de la sécurité nationale que les méthodes comptables traditionnelles pourraient sous-évaluer.
Les critiques, cependant, soutiennent que la position du Canada n’est qu’une comptabilité créative pour éviter des décisions politiquement difficiles concernant le financement militaire. Le critique de l’opposition en matière de défense, James Harrison, a qualifié l’approche de “jeu de coquilles élaboré” et insiste sur le fait que “le financement militaire approprié ne peut être substitué par des routes et des ponts, peu importe leur emplacement stratégique.”
Les experts en sécurité internationale notent que la vaste géographie du Canada présente des défis de défense uniques qui pourraient justifier cette approche alternative. “Défendre la souveraineté canadienne, particulièrement dans l’Arctique de plus en plus contesté, requiert des capacités différentes de celles nécessaires aux alliés européens confrontés à des menaces plus conventionnelles,” explique Dr. Elena Kowalski, professeure de relations internationales à l’Université de Toronto. “Une infrastructure permettant un déploiement rapide sur d’énormes distances peut effectivement être plus précieuse pour la sécurité canadienne que des systèmes d’armement supplémentaires.”
Alors que l’OTAN continue d’évoluer en réponse aux menaces mondiales changeantes, le débat sur ce qui constitue des dépenses de défense légitimes s’intensifiera probablement. Pour le Canada, le défi reste d’équilibrer les priorités fiscales avec les engagements envers l’alliance d’une manière qui contribue significativement à la sécurité collective tout en répondant à ses réalités géographiques et stratégiques uniques.
À mesure que cette discussion se déroule dans les mois à venir, une question fondamentale émerge: à une époque de menaces multiformes allant du changement climatique à la cyberguerre, devrions-nous reconsidérer comment nous définissons et mesurons les contributions nationales à la défense collective au-delà des indicateurs militaires traditionnels?