L’air que nous respirons fait l’objet d’une attention croissante alors que les chercheurs s’efforcent de comprendre son impact complexe sur la santé humaine. Dans le cadre d’une étude novatrice à l’Université de la Colombie-Britannique, des volontaires entrent littéralement dans des chambres de pollution pour aider les scientifiques à mesurer comment les contaminants atmosphériques affectent notre organisme, minute par minute.
“Ce que nous essayons de faire, c’est comprendre les mécanismes,” explique Dr. Chris Carlsten, chef de la médecine respiratoire à l’UBC et directeur du Laboratoire d’exposition à la pollution atmosphérique. “Quand quelqu’un respire de l’air pollué, que se passe-t-il à l’intérieur de son corps qui mène à des effets sur la santé?”
Le laboratoire, niché sur le campus de Vancouver de l’UBC, semble banal de l’extérieur. Mais à l’intérieur, il abrite des chambres d’exposition spécialisées où les participants respirent des quantités soigneusement contrôlées de gaz d’échappement diesel ou de fumée de bois – des polluants courants dans les environnements urbains et ruraux à travers le Canada.
Des participants comme Adrienne Macallum, une étudiante en médecine de 26 ans, passent des heures dans ces chambres pendant que les chercheurs surveillent les réponses physiologiques immédiates. “J’ai été exposée à de l’air filtré pendant deux heures, puis à des gaz d’échappement diesel pendant deux heures,” raconte Macallum. Tout au long du processus, les chercheurs ont prélevé des échantillons de sang et effectué des tests de fonction pulmonaire pour suivre les changements en temps réel.
L’environnement contrôlé permet aux scientifiques d’isoler des composants spécifiques de la pollution et d’observer leurs effets immédiats – quelque chose impossible à étudier dans le monde réel où d’innombrables variables existent. Derek Jennejohn, volontaire pour la recherche, décrit l’expérience: “Vous êtes essentiellement dans une boîte en verre avec un vélo. Vous ne pouvez pas vraiment sentir ou goûter quelque chose de différent, mais vous savez que vous êtes exposé à ces polluants.”
Les découvertes du laboratoire de l’UBC ont des implications significatives pour la politique de santé canadienne. Des études récentes de l’établissement ont révélé comment la pollution atmosphérique peut affecter l’expression génétique en seulement deux heures d’exposition, expliquant potentiellement le lien entre la mauvaise qualité de l’air et le risque accru de maladies respiratoires et cardiovasculaires.
“Nous observons des effets des gaz d’échappement diesel sur l’épigénome – comment les gènes s’expriment – après seulement quelques heures d’exposition,” explique Dr. Carlsten. “Cela aide à expliquer pourquoi nous constatons des augmentations des crises cardiaques, des AVC et des exacerbations d’asthme les jours de forte pollution.”
La recherche arrive à un moment critique alors que les feux de forêt à travers le Canada continuent de s’aggraver, pompant des quantités sans précédent de particules dans l’atmosphère. L’été dernier, des villes de Vancouver à Toronto ont connu des semaines de qualité d’air dangereuse alors que la fumée dérivait sur des milliers de kilomètres.
Dr. Sarah Henderson, directrice scientifique des services de santé environnementale au Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, souligne cette préoccupation croissante: “Nous observons des expositions à la fumée de feux de forêt plus prolongées et plus graves affectant des populations plus importantes. Comprendre les mécanismes biologiques est crucial pour la réponse de santé publique.”
Le travail du laboratoire de l’UBC s’étend au-delà de l’intérêt académique vers des applications concrètes. Les résultats informent directement les lignes directrices de santé publique et pourraient mener à des interventions plus ciblées pour les populations vulnérables lors d’épisodes de pollution.
Pour les volontaires, la participation revêt une signification personnelle. “J’ai toujours été intéressée par la façon dont l’environnement affecte notre santé,” dit Macallum. “Faire partie d’une recherche qui pourrait aider les communautés touchées par la pollution me semble important.”
Alors que le changement climatique continue de modifier notre environnement et que l’urbanisation croissante expose davantage de personnes aux polluants anthropiques, le travail à l’UBC se situe à l’intersection des sciences environnementales et de la santé. L’équipe de recherche prévoit d’élargir ses études pour examiner comment différents mélanges de polluants affectent diverses populations, particulièrement celles ayant des conditions préexistantes.
Ce qui reste clair, c’est que notre compréhension des impacts de la pollution atmosphérique sur la santé évolue encore. Alors que les scientifiques continuent de cartographier la réponse du corps à l’air contaminé au niveau moléculaire, comment cette connaissance pourrait-elle transformer notre approche de l’urbanisme, de la politique des transports et de la réglementation environnementale dans les décennies à venir?