Dans une avancée significative pour le système judiciaire du Nouveau-Brunswick, les responsables provinciaux ont dévoilé des plans pour établir un tribunal spécialisé en santé mentale à Moncton d’ici 2026, marquant un changement décisif dans la façon dont le système judiciaire traite les cas impliquant des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.
L’annonce survient alors qu’on reconnaît de plus en plus que les procédures judiciaires traditionnelles échouent souvent à servir adéquatement les personnes atteintes de maladies mentales qui se retrouvent empêtrées dans le système juridique. Ce tribunal spécialisé offrira une approche plus thérapeutique de la justice, axée sur le traitement et la réhabilitation plutôt que sur la punition pour les contrevenants admissibles.
“Nous avons été témoins de première main de la façon dont les problèmes de santé mentale peuvent compliquer les procédures judiciaires, créant un effet de porte tournante dans notre système de justice,” a déclaré la ministre de la Justice Émilie Cormier, qui a confirmé l’initiative lors de la séance législative d’hier. “Ce tribunal spécialisé représente notre engagement à briser ce cycle par des interventions fondées sur des preuves.”
L’établissement de Moncton deviendra le deuxième tribunal de santé mentale dédié de la province, suite au succès du programme de Saint-Jean qui fonctionne depuis 2017. Les données du tribunal de Saint-Jean indiquent une réduction de 43% des taux de récidive chez les participants par rapport aux procédures judiciaires traditionnelles.
Les tribunaux de santé mentale fonctionnent selon le principe que certains contrevenants peuvent davantage bénéficier d’un traitement et d’une supervision que d’une incarcération. Les participants admissibles comprennent généralement ceux qui font face à des accusations non violentes et qui ont des conditions de santé mentale diagnostiquées ayant contribué à leurs problèmes juridiques.
Dr. Robert Thériault, psychologue clinicien et conseiller du comité de mise en œuvre, a expliqué l’approche du tribunal: “Au lieu de considérer ces cas uniquement à travers un prisme punitif, les tribunaux de santé mentale reconnaissent que s’attaquer à la condition sous-jacente produit souvent de meilleurs résultats tant pour l’individu que pour la société.”
Le gouvernement provincial a alloué 3,8 millions de dollars pour l’établissement du tribunal, le financement couvrant la formation spécialisée du personnel, les modifications des installations et la coordination avec les services communautaires de santé mentale. Cela représente une partie d’un investissement plus large de 12,4 millions de dollars dans les initiatives de justice en santé mentale à travers le Nouveau-Brunswick.
Les critiques, cependant, se demandent si le calendrier est suffisamment urgent. “Bien que nous applaudissions cette orientation, attendre jusqu’en 2026 signifie que des milliers de cas continueront à passer par un système mal équipé pour répondre aux besoins en santé mentale,” a noté Caroline LeBlanc, directrice de la Coalition pour la défense de la santé mentale du Nouveau-Brunswick. “Les communautés ont besoin de ces ressources maintenant.”
Le développement du tribunal fait suite à une vaste consultation avec des responsables judiciaires, des professionnels de la santé mentale et des intervenants communautaires. Son modèle opérationnel comprendra des programmes de déjudiciarisation avant procès, des services d’évaluation spécialisés et une gestion intensive des cas pour s’assurer que les participants reçoivent un traitement approprié tout en maintenant leur responsabilité.
“Ce qui rend ces tribunaux efficaces, c’est leur approche collaborative,” a expliqué le juge de la Cour provinciale Martin Robichaud. “Les procureurs, les avocats de la défense, les professionnels de la santé mentale et les juges travaillent ensemble pour élaborer des plans individualisés qui favorisent le rétablissement tout en protégeant la sécurité publique.”
Les statistiques des tribunaux de santé mentale existants à travers le Canada démontrent leur efficacité. Des recherches publiées dans la Revue canadienne de psychiatrie ont montré que les participants connaissent une amélioration des résultats cliniques et une réduction significative des interactions avec le système de justice pénale après avoir terminé le programme.
Alors que les plans de mise en œuvre progressent, des programmes de formation pour le personnel judiciaire ont déjà commencé, avec des ateliers spécialisés axés sur la sensibilisation à la santé mentale, les approches tenant compte des traumatismes et les techniques de désescalade. Ces préparatifs visent à garantir que le tribunal fonctionne efficacement dès sa date de lancement.
Le tribunal de santé mentale de Moncton représente une partie d’une tendance nationale vers des approches judiciaires spécialisées pour les populations vulnérables. Des initiatives similaires pour le traitement de la toxicomanie, la justice autochtone et l’intervention auprès des jeunes ont démontré la valeur des réponses judiciaires ciblées à des problèmes sociaux complexes.
Alors que notre système judiciaire évolue pour mieux comprendre l’intersection de la santé mentale et du comportement criminel, ces tribunaux spécialisés combleront-ils enfin le fossé entre punition et traitement qui trouble notre système juridique depuis des générations?