Dans une décision sans précédent qui a secoué le hockey professionnel, la Ligue nationale de hockey a temporairement suspendu quatre joueurs pour la saison à venir alors que les autorités poursuivent leur enquête sur des allégations d’agression sexuelle datant d’un incident de 2018 impliquant l’équipe junior du Canada.
Les quatre joueurs—Michael McLeod et Cal Foote des Devils du New Jersey, Carter Hart des Flyers de Philadelphie, et Dillon Dubé des Flames de Calgary—ont été mis en congé indéfini pendant que les procédures judiciaires se déroulent à London, en Ontario. La décision de la LNH est survenue peu après que les quatre joueurs se soient rendus à la police de London pour faire face à des accusations d’agression sexuelle liées à un incident présumé lors d’un gala de Hockey Canada.
“L’intégrité de notre ligue et la confiance de nos partisans exigent que nous prenions ces allégations avec le plus grand sérieux,” a déclaré le commissaire de la LNH Gary Bettman lors d’une conférence de presse mercredi. “Bien que nous respections la présomption d’innocence, la nature de ces accusations nécessite une action décisive en attendant le résultat des procédures judiciaires et de notre propre enquête interne.”
Les allégations remontent à juin 2018 suite à un événement de la Fondation Hockey Canada, où une femme identifiée dans les documents judiciaires comme “E.M.” a signalé que plusieurs membres de l’équipe junior médaillée d’or l’ont agressée sexuellement dans un hôtel. L’affaire a initialement piétiné lorsque la police de London a clos son enquête en 2019, mais a été rouverte en 2022 suite à un examen public intense et des audiences parlementaires sur la gestion par Hockey Canada des allégations d’inconduite sexuelle.
L’enquête de la LNH, menée par le cabinet d’avocats Jenner & Block, s’est déroulée parallèlement aux procédures criminelles. Les responsables de la ligue ont confirmé avoir interrogé plus de 40 témoins, y compris les joueurs accusés et la plaignante, tout en examinant de nombreuses preuves documentaires.
Pour les équipes concernées, les suspensions créent d’importants défis d’effectif à quelques semaines de l’ouverture des camps d’entraînement. Les Devils du New Jersey sont particulièrement touchés, perdant deux contributeurs réguliers en McLeod et Foote. “Nous coopérons pleinement avec la direction de la ligue tout en nous concentrant sur la préparation de la saison à venir avec les joueurs disponibles,” a déclaré le directeur général des Devils, Tom Fitzgerald.
Hockey Canada a fait l’objet de vives critiques pour sa gestion de la plainte initiale, notamment des révélations selon lesquelles l’organisation maintenait un fonds spécial partiellement soutenu par les frais d’inscription au hockey mineur pour régler des réclamations d’agression sexuelle. Cela a conduit à un retrait temporaire du soutien des principaux commanditaires et à une refonte complète de la structure de direction de Hockey Canada.
Les experts juridiques suggèrent que cette affaire pourrait représenter un tournant dans la façon dont les organisations sportives abordent l’inconduite sexuelle. “Les ligues sportives professionnelles ne peuvent plus balayer ces problèmes sous le tapis,” a déclaré Melissa Davidson, avocate sportive basée à Toronto. “L’action de la LNH signale que les allégations de cette nature seront traitées avec la gravité appropriée, quel que soit le statut d’un joueur.”
Les représentants légaux des joueurs ont unanimement déclaré que leurs clients contesteront vigoureusement les accusations, les dates du procès devant être fixées plus tard cette année. En cas de condamnation, les joueurs pourraient faire face à d’importantes peines d’emprisonnement selon la loi canadienne.
Alors que cette affaire se déroule dans le contexte d’une remise en question culturelle du hockey, une question reste particulièrement troublante : combien d’incidents similaires sont passés inaperçus dans une culture sportive qui a historiquement privilégié la loyauté d’équipe et le silence plutôt que la responsabilité et la protection des victimes?