Dans une nette escalade des tensions diplomatiques, le Canada a émis une condamnation ferme des autorités de Hong Kong après l’émission de mandats d’arrêt visant huit militants pro-démocratie vivant à l’étranger. Cette mesure de Hong Kong, ciblant des individus en vertu de sa controversée loi sur la sécurité nationale, a déclenché une vive préoccupation internationale et a davantage tendu les relations déjà détériorées entre le Canada et la Chine.
La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a qualifié ces mandats de “profondément troublants” lors d’une conférence de presse d’urgence à Ottawa hier. “Ces actions représentent une dangereuse extension de l’appareil de sécurité nationale de Hong Kong au-delà de ses frontières et une violation flagrante des normes internationales,” a déclaré Joly, sa voix reflétant la gravité de la situation.
Les militants, dont le célèbre citoyen ayant la double nationalité canadienne et hongkongaise Martin Lee, font face à des accusations de “subversion” et de “collusion avec des forces étrangères” – des infractions passibles de peines d’emprisonnement à vie selon la vaste législation sur la sécurité imposée par Pékin en 2020. Trois des huit individus résident actuellement au Canada, ayant fui Hong Kong dans le contexte de la répression contre la dissidence politique qui a suivi les manifestations pro-démocratie de 2019.
“Nous assistons à la criminalisation de l’expression démocratique,” a déclaré la professeure Emily Lau de l’École Munk des affaires mondiales de l’Université de Toronto. “Ces mandats déclarent essentiellement que la défense des valeurs démocratiques, où qu’elle soit dans le monde, peut être considérée comme un crime contre l’État chinois.”
L’ambassade de Chine à Ottawa a réagi rapidement, publiant un communiqué qui qualifiait la critique du Canada d'”ingérence injustifiée dans les affaires internes de la Chine.” Le porte-parole de l’ambassade, Chen Wei, a insisté sur le fait que “les procédures judiciaires de Hong Kong sont menées en stricte conformité avec la loi” et a exigé que le Canada “cesse sa posture politique.”
Ce choc diplomatique survient dans un contexte de détérioration des relations bilatérales, avec les récentes allégations de cybersécurité du Canada contre la Chine et les différends persistants concernant la détention des citoyens canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor encore frais dans les mémoires.
Les organisations de défense des droits de la personne ont exprimé leur inquiétude face à la portée extraterritoriale revendiquée par les autorités hongkongaises. La directrice d’Amnistie Internationale Canada, Ketty Nivyabandi, a qualifié les mandats de “précédent dangereux qui menace les exilés politiques dans le monde entier,” ajoutant qu'”aucun gouvernement ne devrait pouvoir traverser les frontières pour faire taire la dissidence.”
Ottawa fait face à un exercice d’équilibre délicat, tentant de défendre les valeurs démocratiques tout en gérant des liens économiques complexes avec la Chine, deuxième partenaire commercial du Canada. Les échanges commerciaux entre les deux nations ont dépassé 100 milliards de dollars l’année dernière malgré les tensions politiques.
Pour la communauté hongkongaise-canadienne, estimée à plus de 300 000 personnes, les mandats ont créé un climat de peur. “Beaucoup de gens ont maintenant peur de s’exprimer, craignant que des membres de leur famille encore à Hong Kong puissent subir des répercussions,” a expliqué Wilson Leung, directeur de l’Alliance canadienne de Hong Kong basée à Toronto.
Le gouvernement canadien a annoncé des mesures supplémentaires pour soutenir les personnes touchées, notamment un traitement accéléré pour les résidents de Hong Kong demandant l’asile et un soutien consulaire renforcé. Le ministre de l’Immigration Sean Fraser a confirmé que le Canada “explore activement des options pour protéger les personnes à risque” tout en renforçant l’engagement du pays à être un refuge sûr pour ceux qui fuient la persécution politique.
Alors que l’attention mondiale se concentre sur ce dernier développement, des questions émergent quant à l’efficacité de la pression internationale pour protéger les libertés démocratiques à Hong Kong. Avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie qui se joignent au Canada pour condamner les mandats, Pékin fait face à des critiques croissantes concernant sa gouvernance de l’ancienne colonie britannique.
Alors que cette crise se déroule, les Canadiens se demandent : à quel moment une diplomatie fondée sur des principes exige-t-elle une action concrète, et quels outils restent disponibles pour défendre les valeurs démocratiques dans un paysage géopolitique de plus en plus complexe?