Sous un ciel automnal radieux, des centaines d’éducatrices et éducateurs de la petite enfance se sont rassemblés hier sur les marches des assemblées législatives provinciales à travers le Canada, leurs voix unifiées dans un appel croissant pour un changement fondamental dans la façon dont le pays valorise le travail en garderie. Des pancartes colorées portant des messages comme “Valorisez notre travail” et “Des services de qualité exigent des salaires de qualité” ponctuaient les foules alors que les travailleuses, parents et défenseurs exigeaient une action gouvernementale sur ce que beaucoup décrivent comme une crise des services de garde.
“Nous éduquons la prochaine génération de Canadiens et Canadiennes, mais plusieurs d’entre nous peuvent à peine se permettre de payer un loyer,” a déclaré Martina Chen, une éducatrice avec 15 ans d’expérience qui gagne actuellement 22$ de l’heure. “Il ne s’agit pas seulement de nos salaires, mais de reconnaître que les services de garde sont une infrastructure essentielle pour une économie fonctionnelle.”
Les manifestations nationales surviennent à un moment critique pour le système de garde d’enfants du Canada, qui est affligé par des pénuries chroniques de personnel, des listes d’attente s’étendant à des milliers de noms dans les grandes villes, et ce que les défenseurs décrivent comme un modèle d’affaires non viable. Le programme ambitieux de 30 milliards de dollars du gouvernement fédéral, visant à créer des places à 10$ par jour à l’échelle nationale d’ici 2026, a augmenté la pression sur les provinces pour qu’elles améliorent les conditions de travail.
Les recherches du Childcare Resource and Research Unit indiquent que près de 30% des éducatrices qualifiées quittent la profession dans les cinq ans, citant les bas salaires comme facteur principal. Ce roulement crée de l’instabilité pour les enfants et mine la qualité des soins, selon Dre Alison Fraser, psychologue du développement à l’Université de Toronto.
“Les enfants s’épanouissent avec des éducateurs constants,” a expliqué Fraser. “La porte tournante d’éducateurs que nous observons nuit au développement de l’enfant, particulièrement pour les nourrissons et les tout-petits qui ont besoin de relations d’attachement stables.”
Les réponses provinciales aux manifestations ont grandement varié. En Colombie-Britannique, où le gouvernement a récemment mis en œuvre un programme d’amélioration salariale, les responsables ont annoncé une augmentation supplémentaire de 4$ l’heure pour les éducatrices qualifiées d’ici l’année prochaine. Pendant ce temps, le gouvernement de l’Ontario n’a pas encore pris d’engagement envers des objectifs salariaux spécifiques, malgré le fait que cette province ait les coûts de garde d’enfants les plus élevés et les pénuries de personnel les plus graves du pays.
Les parents se sont joints aux manifestations en nombre important, plusieurs amenant leurs enfants et partageant des histoires personnelles de difficultés liées aux services de garde. Sarah Nowak, développeuse de logiciels à Toronto et mère de deux enfants, a décrit payer 2 800$ par mois pour la garde de ses enfants—plus que son paiement hypothécaire.
“Je suis retournée au travail après mon congé de maternité pour découvrir que près de la moitié de mon salaire va aux services de garde,” a déclaré Nowak. “Le système ne fonctionne ni pour les familles ni pour les éducatrices.”
Des analystes économiques soulignent plusieurs études démontrant que l’investissement dans les services de garde génère des rendements économiques substantiels. Un rapport récent du Conference Board du Canada estime que chaque dollar investi dans les services de garde rapporte environ 2,50$ à l’économie grâce à une participation accrue au marché du travail, particulièrement chez les femmes.
“Les services de garde ne sont pas un service social—c’est une infrastructure économique,” a expliqué l’économiste Raymond Chow. “Les pays qui ont investi dans des systèmes complets de garde d’enfants connaissent une croissance du PIB plus élevée, des écarts salariaux entre les genres réduits et de meilleurs résultats sociaux.”
À la conclusion des manifestations, les organisateurs ont présenté un ensemble unifié de demandes aux leaders provinciaux et fédéraux : une grille salariale nationale commençant à 30$ l’heure pour les éducatrices qualifiées, des avantages sociaux incluant des régimes de retraite, et des investissements pour créer 250 000 nouvelles places en garderie à travers le Canada.
Le ministre fédéral responsable des services de garde, s’exprimant depuis Ottawa, a reconnu la légitimité des préoccupations tout en s’abstenant de nouveaux engagements. “Nous reconnaissons que les défis liés à la main-d’œuvre représentent le plus grand obstacle à l’expansion des services de garde abordables,” a déclaré le ministre. “Nous continuons à travailler avec les provinces sur des solutions.”
Alors que le Canada progresse vers la mise en œuvre de son programme national de services de garde, une question fondamentale reste sans réponse : peut-on avoir un système qui offre des services abordables aux familles tout en fournissant des moyens de subsistance durables à ceux qui font ce travail essentiel, ou continuerons-nous à demander aux travailleuses en garderie de subventionner le système par leurs bas salaires?