Dans l’air frais du centre-ville de Toronto, plus de 300 résidents se sont rassemblés ce week-end pour “La Longue Marche”, une manifestation populaire attirant l’attention urgente sur la crise croissante d’insécurité alimentaire au Canada. Les participants ont parcouru six kilomètres—symbolisant la distance moyenne que de nombreux Canadiens sans transport doivent parcourir pour accéder à une alimentation abordable et nutritive dans les “déserts alimentaires” urbains.
“Nous marchons aujourd’hui parce que des milliers de Canadiens ne peuvent pas simplement se rendre en voiture à l’épicerie,” a expliqué l’organisatrice de la marche, Samantha Chen. “Quand l’option alimentaire abordable la plus proche est à des heures à pied ou nécessite plusieurs correspondances d’autobus, manger sainement devient pratiquement impossible pour les populations vulnérables.”
La manifestation survient alors que les taux d’insécurité alimentaire au Canada atteignent des niveaux alarmants. Selon les dernières données de Banques alimentaires Canada, près de 2 millions de Canadiens ont eu recours aux banques alimentaires en 2022—une augmentation de 35 % par rapport aux chiffres d’avant la pandémie. Plus inquiétant encore, un utilisateur de banque alimentaire sur trois est maintenant un enfant.
Jennifer Parsons, une défenseuse communautaire de l’alimentation qui a participé à la marche, a partagé son expérience personnelle : “Je suis mère monoparentale travaillant deux emplois et pourtant, à la fin du mois, je dois choisir entre payer mon loyer ou acheter des produits frais pour mes enfants. Le système est fondamentalement brisé.”
La marche a culminé à l’hôtel de ville, où les organisateurs ont présenté aux responsables municipaux une proposition complète décrivant des solutions immédiates et à long terme. Les recommandations clés comprennent l’élargissement des subventions de transport en commun pour les résidents à faible revenu, des incitatifs pour que les détaillants d’épicerie établissent des magasins dans les quartiers mal desservis, et des initiatives de jardins communautaires sur les terrains vacants appartenant à la ville.
Les experts économiques soulignent plusieurs facteurs aggravant le problème d’insécurité alimentaire au Canada. “Nous observons une tempête parfaite où les coûts de logement consomment des pourcentages plus élevés des budgets des ménages, l’inflation alimentaire dépasse la croissance des salaires, et les soutiens sociaux sont insuffisants,” a noté Dre Elaine Wong, économiste à l’Université de Toronto. “L’insécurité alimentaire est fondamentalement une question de pauvreté.”
Les données provinciales révèlent de fortes disparités régionales. Les communautés nordiques et les populations autochtones font face à des défis particulièrement graves, certaines régions éloignées signalant des coûts alimentaires jusqu’à trois fois plus élevés que les centres urbains pour les produits de première nécessité.
La manifestation a attiré l’attention des responsables fédéraux. Un porte-parole du ministère de la Santé a confirmé qu’ils examinent la proposition : “S’attaquer à l’insécurité alimentaire nécessite une approche à multiples facettes impliquant plusieurs paliers de gouvernement. Nous sommes déterminés à travailler avec les organismes communautaires et les partenaires provinciaux sur des solutions globales.”
À la dispersion des participants, nombreux portaient des pancartes affichant les chiffres brutaux de l’insécurité alimentaire : “44 % des Canadiens déclarent manger moins sainement en raison de l’augmentation des coûts” et “1 ménage sur 5 avec enfants vit l’insécurité alimentaire.”
Les leaders d’entreprises locaux ont commencé à répondre à la pression communautaire. Trois grandes chaînes d’épicerie ont annoncé des plans pour établir des marchés mobiles dans les quartiers mal desservis d’ici la fin de l’année, tandis que plusieurs restaurants se sont engagés à rediriger la nourriture inutilisée vers des réfrigérateurs communautaires.
Alors que le Canada est aux prises avec ces défis, la question demeure : les solutions caritatives temporaires suffiront-elles, ou bien la lutte contre l’insécurité alimentaire nécessite-t-elle une restructuration fondamentale de nos systèmes économiques et sociaux pour garantir que tous les Canadiens puissent accéder à la nutrition dont ils ont besoin?