Dans les couloirs ombragés du pouvoir mondial, le Canada se trouve à la croisée des chemins qui va bien au-delà de l’incertitude imminente d’une autre présidence Trump potentielle. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a livré cette évaluation sobre lors d’une récente conférence de politique étrangère à Ottawa, où il a décrit une réalité brutale que de nombreux décideurs canadiens ont été réticents à affronter.
“Les défis de la politique étrangère canadienne ne se résument pas à Donald Trump,” a déclaré Carney avec sa franchise caractéristique. “Les défis sont plus fondamentaux et existeraient peu importe qui occupe la Maison Blanche en janvier prochain.”
Carney, dont l’expertise économique traverse les continents après son mandat à la Banque du Canada et à la Banque d’Angleterre, a souligné des changements structurels plus profonds qui remodèlent le paysage international. Bien qu’une seconde administration Trump présenterait certainement des défis distincts pour la diplomatie canadienne, Carney a souligné que se fixer uniquement sur la politique de personnalité passe à côté de la transformation géopolitique plus large en cours.
Le titan économique a mis en évidence trois défis fondamentaux que le Canada doit naviguer, peu importe qui occupe le Bureau ovale. Premièrement, la fragmentation accélérée de l’ordre économique mondial, avec des blocs commerciaux de plus en plus organisés autour de préoccupations de sécurité plutôt que d’efficacité économique pure. Deuxièmement, l’émergence de ce qu’il appelle une “prime géopolitique” affectant tout, des prix de l’énergie à la résilience des chaînes d’approvisionnement. Et troisièmement, la divergence croissante entre les intérêts économiques américains et canadiens, particulièrement dans les politiques énergétiques et industrielles.
“Le Canada doit reconnaître que les intérêts économiques américains divergent de plus en plus des nôtres,” a expliqué Carney. “Il ne s’agit pas des politiques d’un président en particulier – mais de changements fondamentaux dans les priorités économiques et les calculs de sécurité nationale.”
Ses commentaires surviennent à un moment particulièrement vulnérable pour l’appareil de politique étrangère du Canada. Des sondages récents montrent que 61% des Canadiens croient que le pays manque d’influence suffisante dans les affaires mondiales, tandis que 71% expriment des inquiétudes quant à la préparation du Canada face aux défis internationaux importants.
La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, qui s’est également adressée à la conférence, a reconnu ces préoccupations tout en défendant l’approche du gouvernement en matière d’engagement international. “Nous reconnaissons que le monde change rapidement, et le Canada doit adapter ses stratégies diplomatiques et économiques en conséquence,” a déclaré Joly, soulignant les efforts récents pour renforcer les liens avec les nations indo-pacifiques et diversifier les relations commerciales.
Cependant, l’analyse de Carney suggère qu’un recalibrage plus fondamental pourrait être nécessaire. Il a souligné comment la position traditionnelle du Canada en tant que puissance moyenne prospérant dans un ordre libéral fondé sur des règles fait face à une pression sans précédent à mesure que s’intensifie la compétition entre grandes puissances. L’ancien banquier central a spécifiquement noté la vulnérabilité du Canada dans des secteurs comme les minéraux critiques, la fabrication avancée et l’énergie – domaines où les considérations géopolit