Lors d’une allocution importante qui pourrait remodeler l’approche canadienne en matière de développement des ressources, Mark Carney s’est engagé hier à ce que les droits issus des traités autochtones soient “respectés et défendus” dans tous les grands projets sous un éventuel gouvernement libéral. S’exprimant lors d’une conférence économique à Ottawa, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada a exposé sa vision pour concilier croissance économique et souveraineté autochtone—un équilibre qui a échappé aux décideurs canadiens depuis des générations.
“La voie à suivre exige un véritable partenariat, pas une simple consultation,” a déclaré Carney, s’adressant à un public nombreux composé de chefs d’entreprise, de représentants autochtones et d’experts en politiques. “Les projets qui touchent les territoires traditionnels doivent se dérouler avec un consentement libre, préalable et éclairé, comme le reconnaît le droit international et l’affirme notre propre Cour suprême.”
Les commentaires de Carney surviennent dans un contexte de tensions persistantes entre les intérêts du développement des ressources et les communautés autochtones à travers le Canada. L’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, le projet Coastal GasLink et de nombreuses entreprises minières ont fait face à des contestations juridiques et des manifestations de la part des Premières Nations qui affirment leurs droits de décider ce qui se passe sur leurs terres ancestrales.
Les leaders autochtones ont prudemment accueilli la déclaration de Carney, mais ont souligné la nécessité d’actions concrètes. Le Grand Chef Stewart Phillip de l’Union des Chefs indiens de la Colombie-Britannique a déclaré à CO24 : “Nous avons déjà entendu des promesses. Ce qui compte, c’est la mise en œuvre et la reconnaissance véritable de notre autorité décisionnelle, pas seulement des mots.”
Les enjeux économiques sont considérables. Selon un rapport de 2023 du Conference Board du Canada, plus de 200 milliards de dollars d’investissements potentiels dans les ressources restent bloqués en raison de l’incertitude entourant le consentement autochtone et les processus réglementaires. Pendant ce temps, des décisions judiciaires marquantes, y compris l’arrêt de 2021 concernant la Nation crie d’Ermineskin, ont renforcé l’obligation légale de consultation significative.
Carney, dont l’entrée possible en politique a été largement discutée, a présenté un cadre qui exigerait des promoteurs de projets qu’ils s’engagent auprès des communautés autochtones dès les premières étapes de planification plutôt qu’après que les décisions clés aient été prises.
“L’ère où l’on présentait aux communautés des plans essentiellement achevés en demandant leur approbation doit prendre fin,” a-t-il affirmé. “Les partenariats économiques qui créent une véritable prospérité partagée ne sont pas seulement moralement nécessaires, mais économiquement avantageux.”
Les analystes financiers notent que l’approche de Carney s’aligne sur l’importance croissante accordée par les investisseurs aux relations autochtones comme facteur clé dans les évaluations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Les grands gestionnaires d’actifs considèrent de plus en plus les questions non résolues de droits autochtones comme des risques matériels pour la viabilité des projets.
“Les entreprises ayant de solides partenariats autochtones connaissent généralement moins de retards, des coûts juridiques réduits et de meilleurs résultats communautaires,” a expliqué Maya Richardson, directrice ESG chez Meridian Capital, basée à Toronto. “Les investisseurs reconnaissent de plus en plus cette corrélation entre un engagement respectueux et le succès des projets.”
Le Parti libéral n’a pas encore confirmé si Carney se présentera comme candidat aux prochaines élections fédérales, bien que les spéculations se soient intensifiées suite à ses apparitions publiques plus fréquentes pour discuter de la politique économique canadienne.
Les partis d’opposition ont remis en question le moment choisi pour l’engagement de Carney envers les droits autochtones. Le critique conservateur des ressources, Michael Barrett, l’a qualifié de “positionnement opportun” avant une potentielle campagne politique, tandis que la critique néo-démocrate des relations autochtones, Lori Idlout, a soutenu que “le bilan libéral en matière de réconciliation a constamment été en deçà de leur rhétorique.”
Les experts juridiques observent que la position de Carney reflète une jurisprudence en évolution plutôt qu’une rupture radicale avec les principes juridiques établis. “Les tribunaux ont clairement indiqué que l’obligation de consulter a une véritable portée,” a noté l’avocate constitutionnelle Patricia Reynolds. “Ce qui est significatif, c’est de voir cette reconnaissance venir de quelqu’un avec les références économiques de Carney.”
Alors que le Canada est aux prises avec des pressions simultanées pour le développement économique, l’action climatique et la réconciliation autochtone, la question demeure : une nouvelle approche d’approbation des projets peut-elle apporter à la fois justice pour les Premières Nations et la certitude d’investissement que recherchent les entreprises? Pour les communautés qui ont vu des promesses brisées à maintes reprises tout au long de l’histoire, la réponse ne résidera pas dans les discours, mais dans les actions qui suivront.