Dans une rupture sans précédent avec la tradition parlementaire, l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a refusé de comparaître devant la Chambre des communes suite à sa nomination comme conseiller spécial du Premier ministre Justin Trudeau. Cette décision marque une importante déviation de la pratique canadienne bien établie de responsabilité ministérielle lors de la période des questions, soulevant des inquiétudes quant au contrôle démocratique à Ottawa.
Carney, qui préside maintenant le conseil des conseillers économiques de Trudeau, exercera une influence considérable sur l’orientation économique du Canada sans faire face aux examens traditionnellement exigés des personnes occupant des postes de pouvoir similaires. Cet arrangement a suscité des critiques de la part des partis d’opposition, qui y voient une tentative de protéger une figure clé du gouvernement de la responsabilité parlementaire.
“Le fondement de notre système de Westminster est que ceux qui exercent le pouvoir doivent rendre des comptes au Parlement,” a déclaré hier aux journalistes le député conservateur Michael Barrett. “En évitant la période des questions tout en maintenant un accès privilégié aux discussions du cabinet, M. Carney opère dans un dangereux vide de responsabilité.”
La controverse s’est intensifiée après que des documents obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information ont révélé que Carney a assisté à plusieurs réunions du cabinet et bénéficie de canaux de communication directs avec les ministres seniors, malgré son statut techniquement “non rémunéré”. Les registres gouvernementaux indiquent que ses recommandations ont directement influencé les récentes politiques économiques fédérales, y compris les changements controversés à l’imposition des gains en capital dans le budget du printemps.
Des politologues ont sonné l’alarme concernant cet arrangement. “Nous assistons à la création d’un poste de cabinet fantôme sans les mécanismes de responsabilité correspondants,” explique Dr. Emmett Patterson, professeur d’études parlementaires à l’Université McGill. “Cela crée un précédent inquiétant pour les futurs gouvernements qui pourraient vouloir protéger des conseillers influents du contrôle parlementaire.”
Le bureau du Premier ministre a défendu cet arrangement, affirmant que le rôle de Carney est purement consultatif et ne constitue pas un poste ministériel nécessitant des comparutions lors de la période des questions. “M. Carney fournit une expertise précieuse pour renforcer les perspectives économiques du Canada, mais les décisions politiques restent entre les mains des élus qui demeurent pleinement responsables devant le Parlement,” a déclaré Sarah Winters, porte-parole du bureau du Premier ministre, dans une déclaration écrite.
Cependant, des communications internes du gouvernement obtenues par les médias révèlent que les recommandations de Carney sur la politique du logement et le financement climatique ont été mises en œuvre avec des modifications minimales, suggérant que son influence s’étend bien au-delà des rôles consultatifs typiques.
Cette situation reflète une tendance croissante dans la politique canadienne où des conseillers spécialisés exercent une influence significative tout en évitant les structures traditionnelles de responsabilité. Cette pratique a suscité des préoccupations concernant la transparence démocratique, indépendamment de l’affiliation politique.
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, s’est joint aux critiques, notant que “qu’il s’agisse d’un gouvernement conservateur ou libéral, les Canadiens méritent de savoir qui prend les décisions qui affectent leur vie. Si M. Carney façonne la politique économique, il devrait répondre aux questions des représentants élus.”
Les experts constitutionnels notent que bien que cet arrangement ne viole peut-être pas de lois spécifiques, il mine l’esprit de responsabilité parlementaire qui a gouverné la démocratie canadienne depuis des générations. Le système de Westminster repose fondamentalement sur le principe que ceux qui exercent le pouvoir doivent rendre des comptes au Parlement.
Alors que le gouvernement prépare sa mise à jour économique d’automne, on s’attend à ce que l’empreinte de Carney soit évidente dans tout le document. Pourtant, les Canadiens n’auront aucun mécanisme formel pour l’interroger directement sur ses recommandations ou leurs impacts potentiels sur les citoyens ordinaires.
Avec les rumeurs répandues que Carney se positionne pour une future candidature au leadership, cet arrangement soulève une question critique pour les électeurs canadiens : dans notre démocratie parlementaire, devrait-on permettre à quiconque exerçant une influence significative sur les politiques publiques d’opérer hors de portée de la responsabilité parlementaire?